Les Hommes du président d'Alan J. Pakula est la référence absolue du film de journalisme, le film absolument indépassable, remarquablement sobre, remarquablement efficace, sans idéalisme ou naïveté à deux balles.


Attention, il ne s'agit pas de demander à Spielberg de faire du Pakula puisqu'un Spielberg n'aurait pas le moindre intérêt s'il n'y avait pas le style Spielberg. Mais par contre, il aurait été gagnant à puiser un peu plus dans les qualités du Pakula, à savoir un peu plus de sobriété, un peu plus d'efficacité (ce qui est pourtant une des caractéristiques essentielles du cinéma spielbergien !), et pas d'idéalisme ou de naïveté à deux balles.


Le sujet est passionnant. Le contexte dans lequel sort le film fait bien évidemment que ce même sujet est très actuel. Mais à part quelques brèves interrogations dans la première partie, qui nous montre que croire que le Pouvoir et la Presse sont deux mondes séparés est l'équivalent de se croire dans le monde des Bisounours, ou encore que la Presse dépend beaucoup du monde de la finance, on n'aura le droit à aucune véritable réflexion ou complexité dans le portrait qui nous sera fait de la Presse (alors qu'un film, pourtant assez académique et loin d'être parfait, comme Spotlight ne tombait pas dans ce piège !) ; et en prime l'ensemble se terminera avec un final lourdingue dans ce sens. Là, on tombera dans un idéalisme naïf assez embarrassant.


Cette quasi-absence de complexité et de recul par rapport à cette représentation de la Presse fait qu'on n'a le droit à des personnages schématiques, inintéressants, fades, alors qu'ironiquement et paradoxalement on a pourtant affaire à des personnes ayant réellement existé et qui devaient être passionnantes.


En conséquence, du point de vue de l'interprétation, Tom Hanks et Meryl Streep ne peuvent que cabotiner. Quant aux acteurs secondaires, un véritable et étonnant défilé des meilleurs comédiens des meilleures séries qui soient, Breaking Bad-Fargo-The Americans-Mad Men-Community-etc..., avec des personnages vides ils ne peuvent qu'apparaître que transparents.


Pour ce qui est de la mise en scène, elle est classique, tristement classique. Je n'ai pas trouvé le plus éclair de puissance ou d'inspiration spielbergienne. Et John Williams, John Williams quand même, a composé une BO absolument sans saveur et tout de suite oubliable.


De plus, contrairement (on y revient !) au film Les Hommes du président, où la menace était toujours prégnante même quand elle était (surtout en fait !) invisible, les journalistes ont l'air ici de faire leur petite "cuisine" tranquille ou pratiquement tranquille, sans être vraiment gênés. On ne ressent pas la moindre tension.


Dire que je préfère, dans le genre, Les Hommes du président serait un très gros euphémisme, mais même une oeuvre imparfaite comme Spotlight est beaucoup plus honorable. Pour moi, c'est clairement un ratage dans la carrière prestigieuse de Steven Spielberg.

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le 2 févr. 2018

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Plume231

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