Pattie et la colère de Poséidon
6.1
Pattie et la colère de Poséidon

Long-métrage d'animation de David Alaux (2023)

Le studio TAT occupe cette place à part dans le cadre actuel. Vendu et marqueté comme un studio faisant un bon divertissement pour enfant, c'est en même temps un des acteurs majeur de l'animation 3D dans le cinéma français. A première vu, on a envi de catégoriser ces productions dans la même case que les films allemands et d’Europe de l'est de piètre qualité, même si on sent tout de même un savoir faire et une vrai personnalité qui se dégage de ces créations comme Les as de la jungle. Malheureusement, en terme de film, mis à part de très belles surprises venant de réalisateur externe au studio, on a rarement été gâté par la créativité du studio. Mis à part Terra Willy, tout premier long métrage original du studio, le studio n'est jamais vraiment sorti de sa licence phare qu'ils ont décliné en un long métrage passablement désagréable. On pouvait tout de même espérer une évolution à l'image de Pil, le dernier film du studio qui s'est révélé surprenant dans sa créativité, venant grandement de son réalisateur qui avait déjà ses propres créations hors du studio. Malheureusement, au vu des premières images de Pattie et la colère de Poséidon, on ne pouvait qu'espérer que cela ne soit moins pire que ce qu'on pouvait attendre.


On n'est pas tant déçu par le scénario creux et inintéressant, ni même par le ton du film visiblement tourné vers un public d'enfants pas encore en phase avec le concept même de réflexion sur le fait d'aimer (ou non) ce qu'il voit, mais bel et bien au potentiel loupé de film passable offrant de bonnes idées, même de manière vague. Si on peut reconnaitre que les graphismes et le travail même de l'image est globalement réussit, on ne peut pas dire que le film est bon (comme on peut le lire ici et là) ni même réussit. Sans même rentrer dans des analyses qui feront souffler du nez certains, on voit que le film peine à rendre ses personnages intéressants et à les rendre appréciable, tant tout le monde semble ne vouloir n'écouter que soit, le tout parfois accentué par un comportement juste choquant venant de personnages qu'on nous présente comme gentil, et le film souffre de gros ventres mous par manque d'enjeux, surtout dans sa deuxième moitié. Évidemment on pourra souligner certains points positifs, en la personne de Chickos la mouette aventureuse qui, même si son jeu ressemble plus à de l'improvisation d'Emmanuel Curtil lors de la création de voix qu'à une construction nette de personnage, démontre au moins que son talent de doubleur n'est plus à démontrer. Mais une performance comme celle d'Emmanuel Curtil montre à quel point ce personnage de loup de mer, quoi que sympathique, n'a ni cohérence, ni personnalité propre car se reposant sur une performance, serte très bonne, mais s'inspirant grandement de rôle qu'a pu jouer le comédien dans le passé. Ce qui fait qu'on ne voit pas tant un personnage, mais l'acteur qui interprète Buck l'aventurier de la saga L'Âge de Glace (surtout que le personnage y partage beaucoup de point commun), ou encore Ace Ventura. La faute n'est pas tant à l'acteur, mais plus à l'écriture même du personnage qui n'est pas assez consistante, et cela explique grandement le fait que les seuls personnages qui nous paraissent réussit sont ceux avec des doubleurs confirmés comme avec le chat interprété par Christophe Lemoine. Attention, je ne parle absolument pas du doublage général qui est globalement bon (mention spéciale à Kaycie Chase qui joue Pattie, une jeune comédienne prometteuse qui avait déjà œuvré sur des films comme Princesse Dragon ou encore Pil) mais bel et bien de l'écriture des personnages qui reflète le manque d'ambition flagrant du film. Cela va un tel niveau que même dans le design des personnages, on sent la non inspiration car, soit ils reprennent des designs connu des studios, soit vont créer des design, notamment pour les cyclopes, qu'on dirait tout droit sorti d'un jeu vidéo pour mobile des années 2010. Chacun des personnages ont l'air de remplir des fonctions scénaristiques ( comme être méchant, être possessif ou être gentil) afin de raconter vaguement un récit qui n'a pas tant vocation à raconter quelque chose. L'objectif du film est de justifier une série d'action qui permettra d'amener une forme de divertissement, plus qu'une vrai réflexion sur un propos de fond qui n'existe pas vraiment. On a la question de la paternité possessive ou même de faire face à ses responsabilités, mais dans un cas comme dans l'autre, les sujets seront soit trop balayé en coup de vent, soit contre-dit par des exemples. A l'image des dieux de l'Olympe, choisissant (ou non) du bon déroulé de l'action à coup de créatures des mers et d'orages, et finissant à un moment de ne plus vouloir continuer le visionnage, on est très vite ennuyé face à un récit qui ne sort jamais des sentiers, et on finit par rester en dehors, tant tout sonne plat et sans intérêt particulier. Le film a beau essayer de rythmer le visionnage avec des vannes, mais cela ne marche jamais vraiment en plus d'être vraiment dégradant lorsqu'on va faire des vannes sur le vomit ou la morve.


Évidemment, le film peut être pris pour ce qu'il est, à savoir un film beau techniquement mais sans intérêt particulier autre qu'un divertissement assez bas de plafond, à l'image d'un Strange World à la française avec moins d'inspirations. Cependant, j'ai du mal à ne pas voir un mauvais fond dans ce film qui me gâche le visionnage, et m'empêche de penser que le film n'est juste qu'un film moyen parmi tant d'autre. Lorsqu'on s’attarde plus en détail sur le film, on est en droit de se poser des questions sur la représentation de certains personnages qui ne montre rien de bon. Dès l'ouverture du film et le monologue de Pattie expliquant son rêve, on est assez gêné face à une écriture et une vision du récit totalement hors sol, ne comprenant pas de quoi il parle. On est tout de même sur un film qui trouve "naturel et sensé" de rêver d'être "une héroïne", et non une aventurière ou une guerrière. Ça peut paraitre bête dit comme ça, mais choisir le terme "héroïne" n'est pas anodin, surtout quand celui-ci sonne affreusement faux dans le contexte de la phrase. La notion d'héroïsme veut dire que l'on apporte un regard extérieur qui juge l'acte que l'on veut faire comme héroïque, mais aussi et surtout, l'héroïne se dissocie de l'aventurière par ses motivations. Pattie n'est pas une héroïne, mais une aventurière. Elle est espiègle et pas méchante, mais ses motivations à partir à l'aventure sont plus celle d'une aventurière (quelqu'un qui part à l'aventure par excitation de la découverte de nouvelles terres) plus qu'une héroïne (quelqu'un qui se bat pour la protection des autres ou même la moralité). On pourrait croire qu'elle prend le large pour sauver la ville de la colère de Poséidon, mais ses intentions sont entaché par le fait qu'elle ait décidé d'elle-même d'abandonner son père chat pour partir sur un bateau. Le film devient presque le récit des caprices d'une souris héroïne auto-proclamé, qui est destiné à être le personnage principale parce qu'il en est ainsi, plus que par un rite initiatique ou un récit d'évolution de personnage. Pattie est une "héroïne" que parce que les personnes derrière ce projet l'ont décidé, et non parce que le personnage a été pensé ainsi. On comprend alors très vite que les règles du récit sont totalement pipé quand Pattie va pour ranimer les argonautes à l'aide d'un objet qu'on n'aura pas introduit avant. Mais plus que les personnages animaux, ce sont bel et bien les personnages humains qui me font poser le plus de question. On a des artisans (du cinéma) représentant des artisans (grecque) créant une œuvre d'art (une statut), et plus que ça, le film se veut comme le récit d'un mythe à l'intérieur d'un mythe, sous la forme de "la petite histoire dans la grande". Que le film le veuille ou non, on ne peut pas nier un côté méta au film, qui fait qu'on est poussé à réfléchir au propos que cela peut amener, et au vu du manque total d'intérêt du scénario et du film dans son ensemble, un peu de réflexion ne ferrait pas de mal. On est alors très mal à l'aise face à une possible très mauvaise représentation des réalisateurs et/ou des producteurs derrière ce projet. Que ce soit à travers les personnages des dieux, décidant de ce qui se passe à l'écran et décidant de la fin de l'histoire (à la manière d'un Deus Ex Machina assumé), ou à travers le personnage de Jason guidant les argonautes et sauvant la Grèce de la colère de Poséidon, on a de quoi être très inquiet. Dans tous les cas, on a les habitants Yolcos qui sont représentés comme pire que de la main d’œuvre, incapable de vivre sans être assisté, toujours à l'arrière plan, et être guidé par des personnages non concerné par leurs sorts. Je me suis demandé pourquoi les dieux n'arrivaient pas à me soutirer ne serait-ce qu'un sourire de compassion, malgré l'utilisation de la chanson "We are the champion/champignon", et j'ai finalement trouvé ma réponse: ils peuvent représenter des producteurs égocentriques et irresponsables exploitant des animateurs (a travers les traits des habitants de Yolcos) pour les mettre en avant. C'est bien à cause d'eux que les problèmes arrivent, ce sont eux qui décident de créer (ou non) de la difficultés sur le voyage de Pattie, et qui décident si oui (ou non) le périple de Pattie sera une réussite. Là où les forces divines servent de boussole morale afin de guider vers la bonne direction, ici les dieux sont le symbole d'un moteur orchestrant, sans morale ni réflexion, un divertissement bas de plafond justifiant le récit que tu es en train de regarder, le tout, avec un considération exécrable vis-à-vis de ceux qui œuvrent pour que ce divertissement voit le jour. A quel moment, dans le film, les dieux s'intéressent au sort des habitants de Yolcos ? On a bien une déesse qui dispute Zeus en permanence car il se comporte comme un enfant, mais à aucun moment on ne voit ne serait-ce qu'un semblant de compassion pour une population qui risque de mourir de leur fautes. La seule singularité, que je vois au film, est son cynisme vis-à-vis du jeune public qui ne mérite pas de réels vannes. L'humour du film se limite à des vannes en bas de la ceinture, à l'image d'une séquence affreusement longue autour de la morve d'un kraken géant bébé qui éternue et envois sa morve partout sur le navire de Jason, ayant pour effet de faire vomir le chat de manière subtile façon l'exorciste mis en scène sans effet comique autre que le "plaisir" de voir un chat vomir. C'est honteux de produire aussi peu d'effort, et de pousser aussi peu vers la réflexion. Les vannes du film sont similaires aux vannes regrettable de leurs films précédent, Pil, où l'on avait déjà ce qui ressemble à un humour absurde Facebook daté, exposé avec la subtilité d'un algorithme de synthèse vocal. Comment voulez-vous que l'on trouve drôle le fait que les cyclopes aient un chien-canard, ou que l'hydre de Lerne fasse le bêlement du mouton, si l'on ne fait même pas l'effort d'introduire la chose comme une vanne ? C'est exposé et lancé à la va-vite en se reposant sur le fait que le côté loufoque et absurde de la chose soit suffisamment drôle à lui tout seul pour ne pas avoir à travailler sur de réels vannes. Non, cela ne marche pas comme ça, comme l'ensemble du film, les blagues du films sont ratés, et ne font que refléter des personnes déconnectés de la réalités qui pensent être drôle avec du caca, du vomit, et un ton presque méprisant face à son public enfant. L'avantage étant que le film sait être assez oubliable et moyen pour qu'on ait pas envi de trop s'y attarder, de toute façon, l'an prochain tous les enfants l'auront oublié et préfèreront voir des films de meilleurs qualités (les adultes n'en parlons même pas)


6/20


N’hésitez pas à partager votre avis et le défendre, qu'il soit objectif ou non. De mon côté, je le respecterai s'il est en désaccord avec le miens, mais je le respecterai encore plus si vous, de votre côté, vous respectez mon avis.

Youdidi
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le 28 févr. 2023

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