Travis marche seul dans le désert. Sa démarche somnambulique, son visage émacié, sa casquette rouge sale traduisent une immense fatigue. Il s’effondre. Walt, son jeune frère, parvient à l’identifier. Quatre ans plus tôt, après la disparition de Travis, Walt et sa femme Anne ont recueilli et adopté Hunter, leur neveu. Ne pensant qu’à fuir, Travis se tait.


Win Wenders nous offre une histoire magnifique. Tout y est beau, juste, miraculeux. Le scénario, les acteurs et les rares dialogues. Travis se tait.


Doucement, Travis revient à la vie. Avec une immense pudeur, il tente un apprivoisement de Hunter. Anne et Walt redoutent ces retrouvailles. Hunter ne peut avoir deux pères, qui choisira-t-il ?


Oubliez un temps l’histoire pour apprécier la délicatesse de Wenders. Comment filmer l’indicible ? La peur de parler, la solitude, l’impossible communication, l’amour mal partagé, la folie... Par un jeu de regards plus ou moins furtifs qui s‘évitent et se fuient, comme dans l’extraordinaire séquence du Super 8. Le père adoptif regarde avec inquiétude sa femme qui regarde avec angoisse le fils qui regarde avec étonnement son vrai père qui contemple avec sidération l’image oubliée et passée de son ex-femme, le tout sans prononcer un mot, juste quelques accords mélancoliques de la guitare de Ry Cooder.


Paris, Texas repose sur l’œil inquiet de Harry Dean Stanton (Travis). Âgé de 53 ans, il tient son premier et unique, avec le tardif Lucky, premier rôle. Ce n’est qu’après deux heures de film qu’il livrera son premier sourire, caché par la moustache, une mimique qui rappelle celle de Jean Rochefort. Travis parle enfin, trop tard.


https://www.youtube.com/watch?v=X6ymVaq3Fqk

Créée

le 20 mai 2019

Critique lue 839 fois

35 j'aime

8 commentaires

Step de Boisse

Écrit par

Critique lue 839 fois

35
8

D'autres avis sur Paris, Texas

Paris, Texas
Velvetman
10

C'est la fille.

Paris Texas, c’est l’existence d’un terrain vague au milieu de nulle part, une contrée vide de vie qui ne demande qu’à reconstruire les péripéties d’un passé lointain et oublié. Derrière un accord...

le 23 févr. 2015

152 j'aime

12

Paris, Texas
Dilettante
5

La fin justifie t-elle la moyenne?

Il est vrai que Paris, Texas est esthétiquement irréprochable tant les plans sont magnifiques. Malheureusement, le temps semble se figer lorsqu'on regarde un film aussi vide de vie ! Les scènes sont...

le 20 sept. 2011

85 j'aime

5

Paris, Texas
Grard-Rocher
8

Critique de Paris, Texas par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Au Texas, dans l'immensité et l'aridité du désert, suivi du regard par un vautour, marche sans but un homme vêtu d'un costume de ville et d'une casquette avec pour tout bagage une gourde d'eau...

70 j'aime

9

Du même critique

Gran Torino
SBoisse
10

Ma vie avec Clint

Clint est octogénaire. Je suis Clint depuis 1976. Ne souriez pas, notre langue, dont les puristes vantent l’inestimable précision, peut prêter à confusion. Je ne prétends pas être Clint, mais...

le 14 oct. 2016

125 j'aime

31

Mon voisin Totoro
SBoisse
10

Ame d’enfant et gros câlins

Je dois à Hayao Miyazaki mon passage à l’âge adulte. Il était temps, j’avais 35 ans. Ne vous méprenez pas, j’étais marié, père de famille et autonome financièrement. Seulement, ma vision du monde...

le 20 nov. 2017

123 j'aime

12