Travis marche seul dans le désert. Sa démarche somnambulique, son visage émacié, sa casquette rouge sale traduisent une immense fatigue. Il s’effondre. Walt, son jeune frère, parvient à l’identifier. Quatre ans plus tôt, après la disparition de Travis, Walt et sa femme Anne ont recueilli et adopté Hunter, leur neveu. Ne pensant qu’à fuir, Travis se tait.
Win Wenders nous offre une histoire magnifique. Tout y est beau, juste, miraculeux. Le scénario, les acteurs et les rares dialogues. Travis se tait.
Doucement, Travis revient à la vie. Avec une immense pudeur, il tente un apprivoisement de Hunter. Anne et Walt redoutent ces retrouvailles. Hunter ne peut avoir deux pères, qui choisira-t-il ?
Oubliez un temps l’histoire pour apprécier la délicatesse de Wenders. Comment filmer l’indicible ? La peur de parler, la solitude, l’impossible communication, l’amour mal partagé, la folie... Par un jeu de regards plus ou moins furtifs qui s‘évitent et se fuient, comme dans l’extraordinaire séquence du Super 8. Le père adoptif regarde avec inquiétude sa femme qui regarde avec angoisse le fils qui regarde avec étonnement son vrai père qui contemple avec sidération l’image oubliée et passée de son ex-femme, le tout sans prononcer un mot, juste quelques accords mélancoliques de la guitare de Ry Cooder.
Paris, Texas repose sur l’œil inquiet de Harry Dean Stanton (Travis). Âgé de 53 ans, il tient son premier et unique, avec le tardif Lucky, premier rôle. Ce n’est qu’après deux heures de film qu’il livrera son premier sourire, caché par la moustache, une mimique qui rappelle celle de Jean Rochefort. Travis parle enfin, trop tard.
https://www.youtube.com/watch?v=X6ymVaq3Fqk