Auréolé de la Palme d'Or et du concert de louanges qui l'a accompagné, « Parasite » est vendu comme le meilleur film de Bong Joon-Ho depuis « Memories of Murder ». C'est dire si mes attentes étaient élevées. Sur ce point, au moins, je n'ai pas été déçu. Oui, « Parasite » voit le cinéaste coréen revenir au plus haut niveau, qu'il n'avait pas atteint depuis son mémorable deuxième long métrage, en dépit du succès critique et populaire dont il a bénéficié pour ses derniers films.


« Parasite » est un film très maîtrisé sur la forme : excellente réalisation, à la fois sobre et s'autorisant des passages du plus bel effet, magnifique photographie, montage nerveux tout en ménageant des moments de répit... Et bien sûr, ce qui fait la force du cinéma coréen : un scénario malin, à tiroirs, offrant de nombreuses péripéties inattendues et de continuelles ruptures de rythme et de style, entre comédie voire farce grotesque, drame social, thriller ou film d'horreur...


Toutefois, ce long métrage ne serait pas aussi réussi sans sa magistrale distribution et ses interprètes crédibles à 200%. Avec bien sûr en tête le toujours excellent Song Kang-ho, inoubliable anti-héros de « Memories of Murder », et tous les membres des deux familles qui s'opposent, ainsi que les personnages plus secondaires.


Pour tout dire, voir ce film au cinéma fut pour moi un grand moment de plaisir, les longs métrages de cette qualité étant bien rares de nos jours. Tant de maîtrise, ces acteurs bourrés de talent, ces plans parfois magnifiques, à l'image de ce travelling aérien sur le déluge, tout cela réveille ma foi envers le cinéma coréen et asiatique, voire envers le cinéma tout cours, un cinéma qui ose, qui défriche, qui surprend, à l'exact opposé du cinéma français perdu dans sa médiocrité, qui semble hélas durable, et d'un cinéma américain toujours plus formaté et sans âme.


Pourtant, il manque quelque chose à ce film. Tout d'abord la cohérence et le jusqu'au-boutisme de « Memories of Murder ». « Parasite » est moins prenant et surtout moins touchant. De plus, la lutte des classes illustrée ici manque de finesse et Bong Joon-Ho s'arrête au milieu du gué : l'analyse reste à la surface, comme une sorte de prétexte à des évènements et des rebondissements parfois gratuits dans le sordide. « Parasite », comme nombre de films coréens, ressemble a un jouet rutilant, de type montagnes russes, où la forme prend dangereusement le pas sur le fond.


La première partie du long métrage est bien construite, mais la seconde se perd dans ses péripéties et la satire sociale prend l'eau, à l'image de cette pluie torrentielle. Surtout, c'est peu dire que la symbolique est lourde, très lourde, comme assénée avec une massue. Difficile donc de se satisfaire de ce film à message pas très finaud. Et puis l'épilogue vient donner le coup de grâce : regrets, larmes, ton moralisateur, invraisemblances scénaristiques... Bref, une fin ratée.


Si « Parasite » est un régal – ne boudons pas notre plaisir – le festin manque un peu de saveur et de finesse. Le film reste un peu sur l'estomac, et l'on se prend à rêver de ce qu'aurait pu être un long métrage de cette trempe totalement réussi. Le cinéma coréen a encore de beaux jours devant lui, mais attention à ne pas se perdre dans l'auto-caricature et à savoir se renouveler. Car 15 ans après le chef-d’œuvre qu'est « Memories of Murder », on dirait qu'on en est toujours au même point. Bong Joon-Ho avait placé la barre très haut, ce qui fait que lui comme ses confrères ont le plus grand mal à la dépasser, voire même à l'atteindre de nouveau.


En tout cas, le cinéaste coréen a piqué ma curiosité, je ne pensais pas pouvoir en dire autant d'un de ses films. J'attends donc avec impatience son prochain long métrage !


Critique à retrouver sur mon blog ici.

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le 16 juin 2019

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Arthur Debussy

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