"Paradise Hills" nous présente un futur bien sombre pour les femmes. Toutes les luttes féministes de notre temps ont visiblement échoué et ont conduit la société à un rétropédalage très inquiétant où l'avenir de la plupart des jeunes filles se résume à remplir le rôle de bonne épouse entièrement dévouée à un mari qu'elles n'ont pas forcément choisi. Et, si jamais l'une d'entre elles a une trop grande soif de liberté, sa famille a tout le loisir de l'envoyer dans un institut qui réfrénera ses désirs d'émancipation et la rendra très docile pour satisfaire son mari désigné.
C'est exactement ce qui arrive à la pauvre Uma (Emma Roberts), jeune femme voulant échapper à ce triste sort mais qui se réveille à "Paradise Hills", un établissement de ce type, perdu sur une île au milieu de l'océan et chargé de dompter les fortes personnalités de ses patientes ...


Pour peu que vous ayez vu quelques images de "Paradise Hills", vous avez forcément dû le constater : un mécène a apparemment vidé son compte épargne pour faire un don gargantuesque au budget alloué notamment aux décors et costumes de ce film espagnol réalisé par Alice Waddington ! L'étalage permanent de cette richesse folle afin d'habiller cet institut d'un décorum ostensiblement abondant et ses résidents de parures vestimentaires dignes de princesses Disney futuristes ne peut qu'attirer l'oeil par l'opulence de couleurs et de cadres différents ainsi proposés, c'est d'ailleurs tout cet apparat visuel qui fait instantanément le charme et la singularité de ce "Paradise Hills" diablement bien nommé pour rendre justice à sa créativité en ce domaine...


Seulement, si tous ces efforts ne sont pas récompensés par une réalisation sachant véritablement les mettre en valeur alors à quoi bon ? À part une atmosphère vaguement vaporeuse cherchant à renforcer le côté faussement idyllique des lieux, la platitude de la mise en scène d'Alice Waddington ne sublime en effet jamais vraiment le travail impressionnant fourni par ses équipes. "Paradise Hills" souffre constamment de son manque cruel d'énergie derrière la caméra, enchaînant les tableaux certes très riches esthétiquement parlant mais hélas dépourvus d'une vraie vision pour les aborder et emmener le film vers une audace visuelle susceptible de retranscrire toute la déviance de cet avenir pessimiste. Faute de cela, l'imagerie de conte merveilleux et l'ambiance voulant sans doute évoquer celle d'un mix SF entre "Pique-Nique à Hanging Rock" et "Suspiria" ressemblent la plupart du temps à un DTV luxueux sur lequel une grosse meringue un brin steampunkée s'est écrasée.


Durant les deux tiers de sa durée, "Paradise Hills" ne peut pas non plus compter sur l'originalité de son intrigue pour se démarquer.
Hormis ses comédiennes qui parviennent à aller au-delà de leurs personnages stéréotypés pour apporter un peu de vie et de crédibilité à leur amitié (Emma Roberts et Awkwafina en tête), il est difficile d'affirmer que le mystère sur la possible face obscure de l'institut soit entretenu de la manière la plus captivante. Entre ces jeunes femmes voulant évidemment tout faire pour continuer à s'affirmer et les transformations radicales de certaines à la sortie, il est clair qu'un phénomène glauque à la "Stepford Wives" est à l'oeuvre et, avant d'en révéler la nature, "Paradise Hills" se contente surtout de s'étaler autour des petits déboires de ses héroïnes captives afin de mieux les définir dans cet environnement étrange (tentatives d'évasion, jalousie amoureuse, éveil à sa véritable identité sexuelle, etc), seules les rencontres avec l'étrange directrice (Milla Jovovich) maintiennent une suspicion sur la réalité de ce que s'y déroule.


C'est bien une fois la teneur de l'énigme dévoilée que le film offre ses plus belles idées, les ingrédients enfin surprenants de sa résolution lui permettent même d'annexer les dérives des inégalités sociales à son discours résolument féministe pendant que l'imaginaire de son ultime affrontement démontre la plénitude de sa vocation à embrasser les codes d'un conte de fée SF. Alors, oui, l'exécution de ce dernier acte n'est pas encore à la hauteur à cause de la mollesse de la réalisation mais toute sa palette esthétique semble quand même mettre les bouchées doubles dans le but de rendre justice à la qualité des ambitions de la conclusion de cette histoire.


Ce ne sera pas assez pour faire oublier le statut de projet semi-loupé qui colle à la peau de "Paradise Hills" tout au long de son visionnage mais ça permettra au moins au film de s'achever sur son versant le plus réussi.

RedArrow
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le 21 oct. 2020

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RedArrow

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