Sean le Sherif est muté sur une sorte de plateforme pétrolière crado sur Jupiter. Sa femme le plaque. Ça va pas fort. Faut dire que c’est pas la première fois qu’ils déménagent à cause de sa grande gueule, y'en a ras-le-brushing des mutations/punitions. Donc elle prend ses cliques et ses claques, et leur gosse aussi. Y’a des zinzins qui se jettent dans l’espace. Tout le monde s’en baleks mais bon, Sean, il trouve ça curieux quand même.


Très vite (alerte au divulgachage tmtc) il capte que c’est à cause de la drogue. Le patron par intérim de la station gave les prolos d’amphètes, comme ça ils triment comme des maboules H24 sans dormir et les actionnaires sont bien content du rendement, le chef est bien content il va pouvoir prendre sa retraite anticipée pour aller à la peche au gros, les flics ripous sont bien content aussi parcequ'ils se font des bakchichs bien gras, et le patron il dit à Sean : « it’s a wonderful world » (smiley content). Sean il répond : « C’est merveilleux », mais il est ironique parcequ’il trouve pas ça super sympa comme combine, cause que la cervelle des ouvriers qui grille en quelques mois à peine, c’est tout de même un peu définitif comme descente.


Donc après il part en full Serpico. Seul contre tous. Seul face à sa conscience. Bref, seul. Il est tellement droit dans ses bottes pour ce rôle qu’il est du coup surentraîné pour son film suivant qui s’appelle Les incorruptibles, comme par hasard, et il aura même un oscar du meilleur second rôle ????.
Il trouve les tazes tueuses et il se bat avec le dealos à coup de friteuse au self et il gagne, il jette tout ça au vide-ordures intergalactique alors là, oulalala qu’est-ce qu’il a pas fait, y’a les bureaucrates pourris evidemment ben ils lui foutent des hitmen avec des grosses carabines au fion. Tout le monde est complice, personne n'est innocent, résultat tout le monde l’a laché, on le regarde comme un cadavre en sursis au saloon spatial, tout le monde se débine, ils baissent bien les yeux; la nature humaine c’est de la merde, même dans l’espace. Bon nan en fait, y’a quand même quelqu’un qui step up, on a pas attendu Netflix pour inventer l’eau chaude car soudain y’a la légiste alcoolique du CHU de l’espace qui s’y colle pour filer un ptit coup de pouce; ils ont pas piqué que les décors à Alien, avec cette badass Ripley serait fier. C’est quand même pas la cavalerie de l’OTAN qui déboule hein, on part pas sur une coalition tsunami de zombies façon LOTR-Le Retour du Roi non plus. Est-ce qu’il sera the last man standing aux douze coups de midi?
Intense suspense merci Jean-Luc Reichman, heureusement notre chevalier écossais il a lu L’art de la guerre en première L, et il va y aller full Sun Tzu sur les mercenaires vendus au grand capital qui débarquent. Comme tout bon général chinois du Vème siècle, Sean il sait que la maîtrise de l’adversaire passe d’abord par la maîtrise du terrain, et tel un Ulysse au canon scié, il va poser de bons vieux death traps partout et les fdp des blackops vont connaître les joies d’un soins detox par dépressurisation façon Scanner de Cronenberg, VFX 80s têtes-en-mousse-qui-explosent et neunoeils expulsés-des-orbites-en-gros-plan, game over plus besoin de prendre rdv chez le coiffeur après le déconfinement.


Remake transparent du Train sifflera trois fois, Outland dresse un justicier solitaire face à un libéralisme indifferent et assassin, qui s'emploie à vampiriser la force de travail des classes populaires jusqu'a ce que mort s'en suive. Dans l'ombre du western original qui devenait la métaphore d'un pays incapable de s'unir contre le Maccarthysme, le film, sans être The Wire, garde quand même cette charge anti mondialiste qui n’a pas vieilli. Ce procès fait un constat simple, à l’aube de la décennie follement cocainée des années 80 qui arrive, annonce déjà la violence systémique boursière et les guerres pétrolières. Entre impunité spéculatrice et réalité prolétaire: pour faire du fric ici, il faut que quelqu’un souffre beaucoup très loin.


Quarante ans plus tard, on pourrait dire que le néolibéralisme meurtrier qui sévit sur Jupiter n’est plus une allégorie du tiers monde. Tels les prolos périssables gavés aux amphétamines du film, l’impérialisme a depuis réalisé ce tour de force de rentrer jouer à domicile, puisque la working class américaine est aujourd’hui ravagée par la crise des opioïdes. Grace a la privatisation des services publics et l’absence de solidarité sociale, la plupart des gens qui cumulent les jobs pour payer les factures se tournent vers les pilules pour ne pas aller payer de soins, ou pire par frayeur de se faire virer à cause d'une seule journée d’absence au boulot, c’est connu. Alors que les États-Unis avaient connu en 2018, pour la première fois depuis près de trente ans, une baisse du taux d'overdoses mortelles liées à la consommation de drogues, le Covid-19 semble marquer le retour en flèche de la crise des opioïdes. Un défi de plus pour ce pays déjà traversé par une crise sanitaire, économique et raciale. #passionpavot

Je m’arrette, on reverra plutôt le classique de Soderbergh, Traffic (qui a bien mieux vieilli).


Dans la lignee des grands films de SF qui s’interrogent sur la notion d’altérité, sur l’acceptation d’autres cultures à travers l’archétype de l’alien (appelons ça l’école Star Trek), Outland a le mérite de s’inscrire dans la tradition plus rare aujourd'hui des films de SF qui déconstruisent leur propre époque, avec cette formule de western futuriste. Le dernier en date c’est quand meme Cowboys contre Alien, bouse passablement dispensable pondue par le realisateur d’IronMan et de Mowgli, qui transforme enfin son essai d’antan à la télé avec le sympathique The Mandolorian (dont la BO est formidable). Si le film manque de profondeur, la tentative de faire un exposé simple, mais pas simpliste, sans être moralisateur, reste honorable. Comme la performance très blanche de ce bon vieux Sean en scaphandre. Sous ses codes de blockbuster un peu mou, il à cependant le mérite de chercher à balancer une disquette politique, plutot dans la lignée de Soleil Vert que de l'abstract SF du récent High Life de Claire Denis, sans sombrer, malgré ses apparences de pur film de flic, dans un discours réac façon Inspecteur Harry.


On est à l’aube des années Reagan, des vidéos clubs et du triomphe de la télé, des séries B qui célèbreront comme jamais toutes les incarnations du héros policier, de l’avènement de la comédie d’action qui canarde partout, sans plus d’ambition que de montrer des bons américains virils taper sur des pas gentils - souvent des dealers justement (le flic de Beverly Hills, l’arme fatale, piège de cristal, jusqu’au meta ultime pour enfants, Last action hero), Outland est une curiosité coincée entre deux époques. Avec son ambition visuelle, ses VFX innovants, l’ampleur de ses décors, et son héro libéral providentiel, on sent le doux parfum du cinéma engagé des seventies s’évaporer sous nos yeux et simultanément émaner une lourde odeur de transpi virile, qui caractérisera la dimension militaire du spectacle de masse bourrin des années 80.


L’année suivante, en 82, Coca Cola rachète Columbia, un acteur de westerns est élu président, les comédiens vont être remplacés par des sportifs d’un nouveau genre, le monde découvre le bodybuilding et les magnétoscopes. L’individualisme et le culte de la force remplace les grandes satires politiques et opératiques des 70s, les Apocalypse Now, Les Trois Jours du Condor, vous connaissez Coppola et tous ses potes. Le nouvel Hollywood, comme la guerre du Vietnam, sont déjà de vieux souvenirs pour une Amérique consumériste qui ne veut plus douter de rien.

le_tapissier
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le 15 nov. 2020

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forêt fantôme

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