Vu sur un DVD un peu poussif, je me demande si un bluray pourrait améliorer cette teinte un peu fadasse ou si l'on doit ce pastel à la photographie de David Watkin.

J'ai vu ce film en salle quand j'étais petit et je n'ai pas de souvenirs précis. Je me rappelle l'engouement général à la sortie : c'était le film à voir! Est-ce que je l'ai revu depuis 1985? Je n'en sais rien. Une chose est sûre : le film est très bon! Et je me demande comment un grand garçon comme moi a pu mettre autant de temps à le revoir! D'une manière générale, j'ai l'impression que ce film n'a plus la renommée qu'il mérite. Huit oscars sans aucun doute mérités et ce film ne figure pas dans les listes des grands classiques, est-ce normal ou est-ce une illusion d'optique née d'un nombril disproportionné chez ma gueule? Après ce long préambule finalement inintéressant et qui répond finalement à la dernière question, à mon net désavantage, entrons dans le vif du sujet.

"Out of Africa" est un beau film, très intelligent, émouvant qui ne prend pas son public pour un con. Peut-être que d'aucuns lui reprocheront son manque d'attention vis à vis de la violence du colonialisme, ce qui serait complètement injuste, puisque tout bêtement ce n'est pas la question, absolument pas. Il se trouve que le personnage principal, la narratrice Karen Blixen (Meryl Streep) raconte une histoire qu'elle a vécue en Afrique colonisée, son propos n'est pas l'écrin mais le bijou. Son histoire n'est pas le colonialisme, mais une simple histoire d'amour, une histoire de construction de soi aussi. Cette histoire aurait pu se passer ailleurs. L'environnement africain n'est qu'un exhausteur de goût, en l'occurrence plutôt d'émoi. La souffrance des opprimés est tue, parce qu'elle n'a pas lieu d'être montrée. Sûrement parce que Karen Blixen ne l'a pas vue, ressentie. Peut-être n'a-t-elle pas voulu la voir? Peu importe, c'est son histoire. Il lui appartient de la raconter comme elle l'entend.

Elle nous conte l'histoire d'une femme obligée de se construire sous le soleil africain, entre un mari éparpillé, une ferme à faire tourner, l'envie d'être libre et forte, maîtresse de son destin et en comptant sur la présence féline de plus en plus fascinante d'un beau chasseur (Robert Redford).

Ce qui est beau dans cette histoire, c'est qu'elle décrit les liens qui se tissent ou se délitent, l'évolution naturelle des sentiments à travers les épreuves de la vie avec un naturalisme serein. On n'a heureusement pas droit aux crises hystériques, aux portes qui claquent ni aux rebondissements spectaculaires. Au rythme de la Nature, tout doucement, les individus s'apprennent les uns les autres. Délicatesse, maturité, simplicité, réalisme. Et petit à petit, sans crier gare, on se rend compte que le film raconte l'amour, avec ses peurs, ses désirs, toutes ses aspérités sur la longueur et la profondeur d'une vie. Il est évident que le film est profond, subtil, pensé comme un conte moral, vraiment bien construit. Issu de la véritable biographie de Karen Blixen, je ne sais pas quelle est la part de romanesque et de réel dans cette histoire fort émouvante. Cela dit, on s'en fout un peu. Reste cette très belle histoire qui dit la complexité et la variété des sentiments humains.

Les comédiens sont époustouflants. Bien entendu, Meryl Streep dépasse le sublime. Elle est incroyable dans ce film! Jouant sur toutes les facettes émotionnelles, elle arrive à être juste tout le temps! C'est une des plus grandes actrices que j'ai jamais vues! Je ne me rappelle pas l'avoir vue un jour mauvaise. Ici, certainement tient-elle l'un de ses plus beaux rôles!

La mise en scène de Sydney Pollack n'a rien d'exceptionnel. Jamais on est extasié par la beauté d'une mise en place, par le mouvement de la caméra, ni par une idée pour mettre tel ou tel élément du récit en valeur. Et pourtant, les comédiens sont toujours dans les meilleures conditions et l'histoire a toute latitude pour installer ses atmosphères, ses situations et sa progression. C'est bien que la mise en scène, sans esbroufe mais avec une certaine humilité sait, elle aussi, se mettre au service de cette belle histoire qu'elle raconte.
Alligator
8
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le 14 nov. 2012

Modifiée

le 23 août 2014

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Alligator

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