Le film commence par un homme qui se réveille le regard blafard, une fille dans son lit. Le visage sombre, il semble de plus rien ressentir. L’œuvre de Joachim Trier raconte la chronique portant sur la réhabilitation presque désespérée d’Anders dans la vie civile. Toxicomane, à 34 ans, il arrive bientôt à la fin de sa cure de désintoxication et le programme qu’il essaye de suivre à la lettre lui oblige de trouver un travail.


Ce film norvégien est l’anti thèse d’un Requiem for a Dream. Ici pas de scènes de shoots frénétiques, pas de tics visuels clippesques. Rien de tout ça. Pour Joachim Trier, la drogue n’est qu’un prétexte, une contextualisation de cette vie inachevée. Lors d’une journée de permission, il va retrouver l’extérieur pour faire le bilan de son existence, essayer de revoir ses proches pour pourquoi pas regouter au plaisir de vivre en société, faisant face au regard de l’autre. Joachim Trier ajuste son œuvre d’une finesse de traitement qui sied parfaitement à la construction psychologique de son personnage principal, présent dans quasiment tous les plans du film. Joachim Trier s’est tracé une ligne directrice pour ne jamais la franchir, ne se dirige jamais vers un pathos putréfiant.


Sa mise en scène est esthétique sans être esthétisante, presque contemplative, rapprochée puis détachée. Son fil narratif s’avère touchant sans être larmoyant. Dans son ensemble, le film dégage une impression froide, lumineuse, comme si cette occasion de renouer avec une possible rédemption était comme "morte née ", étant en diapason avec le jeu sans digression et le regard quasiment impassible d’Anders Danielsen Lie. Tout cela voit naitre de belles séquences, comme celle se déroulant dans un café où il écoute comme un fantôme les discussions d’autres usagers. La première heure du film, construite délicatement, utilise un schéma linéaire mais jamais redondant : une retrouvaille avec un proche puis la solitude, donnant parfois des scènes à contrecourant, comme celle de son entretien où c’est lui qui prend mal la révélation de sa toxicomanie.


C’est l’histoire d’un homme qui sur une journée, voit alors l’écart qu’il existe entre lui et ce qu’il aurait pu être. Il revoit des amis, déjà mariés, avec un enfant, une situation, une vie, une routine. Tout cela faisant s’exprimer en lui, cette impossible volonté de tout reconstruire, ce manque d’envie pour se relever, comme s'il n'écoutait plus le monde extérieur. Il n’a plus de considération pour lui-même, malgré les tentatives de ses proches pour le remettre en selle. Le malaise est là, le réalisateur le retranscrit de façon très lucide et fait de son œuvre un gouffre sur l’une des plus grandes fêlures humaines : le regret, celui, d’un jeune homme devenu adulte maintenant, n’ayant pas saisi la chance qu’il lui tendait les bras durant une jeunesse sans obstacles se matérialisant par la culpabilité d’avoir brulé et consommé sans modération les cartes qu’il avait alors encore en main.

Velvetman
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 4 janv. 2015

Critique lue 4.4K fois

137 j'aime

7 commentaires

Velvetman

Écrit par

Critique lue 4.4K fois

137
7

D'autres avis sur Oslo, 31 août

Oslo, 31 août
emmanazoe
9

L'impression d'avoir rencontré quelqu'un...

Oslo, 31 août n'est pas un moment de cinéma comme un autre. Tout d'abord, rien que son titre, son affiche (très belle affiche !), et sa bande-annonce suggèrent un film assez énigmatique. Qui sait...

le 27 avr. 2012

112 j'aime

16

Oslo, 31 août
Sergent_Pepper
8

Comment vous dire adieu

S’il fallait résumer Oslo, 31 aout, on pourrait le décrire comme un film qui ne cesse de finir. Dès sa première séquence, celle d’un lent suicide raté, c’est l’adieu au monde qui prévaut, tout comme...

le 24 sept. 2015

103 j'aime

4

Oslo, 31 août
PatrickBraganti
10

Mélancolie norvégienne

Pour filmer vingt-quatre heures de l'existence de son héros qui a tout d'une non-vie, le norvégien Joachim Trier met à profit dans Oslo, 31 août son expérience d'ex-champion de skateboard puisqu'il y...

le 2 mars 2012

98 j'aime

11

Du même critique

The Neon Demon
Velvetman
8

Cannibal beauty

Un film. Deux notions. La beauté et la mort. Avec Nicolas Winding Refn et The Neon Demon, la consonance cinématographique est révélatrice d’une emphase parfaite entre un auteur et son art. Qui de...

le 23 mai 2016

276 j'aime

13

Premier Contact
Velvetman
8

Le lexique du temps

Les nouveaux visages du cinéma Hollywoodien se mettent subitement à la science-fiction. Cela devient-il un passage obligé ou est-ce un environnement propice à la création, au développement des...

le 10 déc. 2016

260 j'aime

19

Star Wars - Le Réveil de la Force
Velvetman
5

La nostalgie des étoiles

Le marasme est là, le nouveau Star Wars vient de prendre place dans nos salles obscures, tel un Destroyer qui viendrait affaiblir l’éclat d’une planète. Les sabres, les X Wing, les pouvoirs, la...

le 20 déc. 2015

208 j'aime

21