Au début de Only Lovers Left Alive, Jarmusch filme en gros plan un 45 tours qui débite un vieux rock très lent, à tel point qu’on se demande si le disque n’est pas en 33 tours, et qu’une main amie va jaillir dans le champ pour régler l’électrophone sur la bonne vitesse.

Only Lovers Left Alive, c’est ça : très rock, très lent. Beaucoup trop lent. D’aucuns – et notamment le guitariste qui m’accompagnait ce soir-là, expliquera, mi fataliste, mi fan transi, que ben, bon, Jarmusch, c’est ça.

Ok, mais quand ça dépasse les limites du supportable, le corps se révolte, et on s’endort. Quand on se réveille, vingt minutes plus tard, on n’a rien perdu de l’intrigue. Certes, on imagine des voix s’élever dans la salle, sur la cohérence, pour ne pas parler de métaphore, avec la notion très distendue du temps qu’ont les vampires (du moins, ceux que je connais).

Certes, mais nous, on s’ennuie quand même.

C’est dommage, parce que le reste est bien, la musique, géniale, les décors, la photo, parfaite, l’argument, pas mal du tout*. Pas pratique pour se retrouver (vols de nuit obligatoires) et pour s’abreuver (on ne suce pas le sang des misérables humains comme ça, il fait rester discret) ; appliquant en cal le credo du revival goth vampirique des romans d’Anne Rice et du très populaire jeu de rôle Vampire : La Mascarade.

Mais tout cela est long, beaucoup trop long, chaque scène étant elle-même interminable. Et peu subtil : Jarmusch parsème son film de références vampiro-littéraires : Christopher Marlowe, Paganini. Tout cela tourne au name dropping. Dommage.

* Deux vampires s’aiment, mais vivent séparément, chacun à l’autre bout du monde : Adam (Tom Hiddleston) vit dans les très impressionnantes ruines de Detroit et compose de la musique, Eve (Tilda Swinton) vit à Tanger dans les pas de Bowles et Burroughs et lit -beaucoup).
Vittorio_Ludovi
6
Écrit par

Créée

le 7 juin 2014

Critique lue 224 fois

Critique lue 224 fois

D'autres avis sur Only Lovers Left Alive

Only Lovers Left Alive
VesperLynd
7

Je t'aime mélancolie ♪♫

L'immortalité est une plaie. Adam ne le sait que trop bien. Ce vampire reclus (et fan de bonne musique faut pas déconner), observe depuis des siècles la lente déliquescence du monde qui l'entoure...

le 26 janv. 2015

123 j'aime

13

Only Lovers Left Alive
pierreAfeu
5

Beau, beau, beau et chiant à la fois !

Cette histoire de vampires n'est évidemment qu'un prétexte. C'est l'immensité du temps qui intéresse Jarmusch, la musique, l'amour peut-être. En vrai romantique resté bloqué au XIXe siècle, cultivant...

le 23 févr. 2014

101 j'aime

9

Only Lovers Left Alive
guyness
6

Vampire des sens

Entrer dans un film de Jarmusch en contemplant tour à tour une Supro, une Hagstrom, une Silvertone (ampli dans le flycase !), une Gretsch modèle Chet Atkins et une vieille Gibson’'she' de 1905,...

le 4 mars 2014

83 j'aime

26

Du même critique

Very Bad Trip
Vittorio_Ludovi
7

Critique de Very Bad Trip par Vittorio Ludovico

Ah, Vegas ! Poubelle de l’Amérique, égout de ses turpitudes refoulées (sexe, drogues, mafia) ! Source d’inspiration pour Hollywood, mais pas tant que ça : Showgirls, Leaving Las Vegas, Very Bad...

le 29 mai 2014

Magic Mike
Vittorio_Ludovi
9

un coup de frais dans le cinéma US

Steven Soderbergh est parfois traité de faiseur ; un cinéaste qui ferait des films sans chercher l’homogénéité d’une œuvre. C’est tout le contraire : Soderbergh est quelqu’un qui tente, un...

le 13 nov. 2013