Réalisateur danois, Nicolas Winding Refn est très vite devenu le chouchou des français avec son Drive, succès critique obtenant le Prix de la mise en scène au Festival de Cannes de 2011.
C'est donc avec grand plaisir que nous l'accueillons; encore une fois au Festival de Cannes, encore une fois avec Ryan Gosling; pour son tout nouveau film : Only God Forgives.
Concentré sur sa lumière, le dernier film de M. Refn s'exporte à Bangkok pour dépeindre une histoire de vengeance, où Crystal (Kristin Scott Thomas) force son fils Julian (Ryan Gosling) à abattre le tueur de son frère, un officier de police à la retraite surnommé l’Ange de la Vengeance, interprété par Vithaya Pansringarm.
Mais comme c'était déjà le cas pour Drive, l'histoire n'est pas le plus important chez Nicolas Winding Refn, qui a désormais jeté son dévolu sur la caméra.

En effet; malgré de bonnes références aux Alfred Hitchcock (et ses mères castratrices) ou aux Stanley Kubrick (intérêt qu'on avait déjà décelé chez lui depuis Bronson); le scénario d'Only God Forgives se révèle très vite comme étant une simple toile de fond, un canevas où l'image seule peut se libérer.
Chez M. Refn l'histoire n'est jamais surprenante, et même plutôt classique (ici une simple histoire de criminels à l'image de ses premiers Pusher).
À tel point que ce scénario peut mener à l'absurdité la plus profonde, comme le fameux "Tu veux te battre ?" d'un Ryan Gosling sans expression, sortant d'on ne sait où pour lancer le combat entre les deux rivaux.
Si cet affrontement est amené aussi ridiculement que le premier combat entre Bane et Batman dans The Dark Knight Rises, il reste une grande intensité entre les deux; en partie grâce à la musique, mais aussi à la chorégraphie rythmé et précise faite pour Vithaya Pansringarm.

"L'art est un acte de violence. Je m'intéresse aux extrêmes, un mélange de poésie et de violence." disait Nicolas Winding Refn à la sortie de Bronson.
Cette violence n'est pas gratuite, juste poussée à son paroxysme pour nous montrer l'habileté avec laquelle le réalisateur impose sa tension dans la scène. Le point final d'Only God Forgives étant la fameuse scène de torture, où l'Ange de la Vengeance plante un à un les membres d'un homme qui ne veux pas parler.
Refn a toujours était lié à la violence. Celle-ci fait partit du style du réalisateur, et ce depuis son premier film, Pusher, réalisé il y a de ça 17 ans (seulement à cette époque il n'avait pas assez de budget pour montrer de près un crane défoncé).

Chez Nicolas Winding Refn, le plus important n'est pas ce qui est écrit, mais ce qui est vu. Dans ce sens, le combat se retrouve être l'arme ultime du réalisateur.
Chez M. Refn, l'important n'est pas de voir son matériau de base, mais de voir ce qu'il en fait.
Si le scénario est classique, il n'empêche pas une lecture si abstraite que tout un chacun peut s'imaginer sa propre vision du film, à l'instar des Stanley Kubrick.
Dans Only God Forgives, le résultat final devient tout simplement hypnotisant.

Esthétiquement, Only God Forgives est le plus aboutit des films de Refn, loin devant le Drive acclamé, en reprenant les points les plus envoutants de Stanley Kubrick (en particulier 2001 : L'Odyssée de l'espace) : ses plans et sa musique.
Nicolas Winding Refn ne s'est en effet jamais écarté de Kubrick, comme on peux le voir avec Bronson et ses couleurs ainsi que sa violence rappelant Orange Mécanique, ou avec Le Guerrier silencieux et ses voyages en bateau tirés du voyage final de 2001 : L'Odyssée de l'espace.
Ici, entre les sons électroniques provoquant un effet d'étrangeté et les travelings calculés, vient se nicher une porte rappelant le fameux monolithe de 2001, référence bien mieux intégré que le bateau aussi silencieux qu'un vaisseau dans l'espace présent dans Le Guerrier silencieux.
Les références d'Only God Forgives, plus que d'être présentes comme de simples fan-service, font sens avec l'univers du film : rien n'est de trop.
Mais ce que l'on retiendra surtout de son image, c'est bien entendu sa lumière, jouant avec l'obscurité et les aplats de couleurs, un univers onirique totalement maitrisé par son réalisateur.

Si les génériques des Pusher ou de Bleeder mettaient en valeur les personnages, tout comme Bronson ne pouvait exister sans son Tom Hardy, dans Only God Forgives l'acteur se retrouve en coulisse du spectacle.
Car le seul vrai problème de M. Refn est qu'aujourd'hui son style a décidé d'évoluer au détriment de l'acteur, au point que celui-ci devient inexistant.
Et qui de mieux que Ryan Gosling pour incarner cette invisibilité, caractéristique que l'on avait déjà eu l'occasion de voir dans Drive ?
Car si vous le trouviez muet dans Drive : détrompez vous, vous n'aviez rien vu. Dans Only God Forgives c'est à peine s'il se permet de répondre aux autres.
Il ne s'appuiera sur un mur qu'à une seule reprise dans le film, il n'aura pas de cure-dent, mais pourtant qu'est ce qu'il nous fait penser à son ancien rôle ! Alors que le grand Mads Mikkelsen parvenait à changer de personnage entre les Pusher et Bleeder, Gosling lui ne fait qu'un auto plagiat de sa fainéantise actoriale.
À qui la faute : l'acteur ou le réalisateur ? Cette simple question aurait pu ne pas être posée si Ryan Gosling n'avait pas était dans Only God Forgives, et de ce fait cataloguer le film en un Drive 2.0.
Alors que ce choix de casting s'est fait quasiment contre le grès du réalisateur qui voulait Luke Evans, ce dernier ayant quitté le tournage à la dernière minute pour jouer dans Le Hobbit : la Désolation de Smaug.
Cependant, là où la neutralité exaspère chez Ryan Gosling, elle excelle chez Vithaya Pansringarm, qui créer un personnage plus qu'étrange : un symbole, un mythe, une légende urbaine.

S'il n'aura obtenu aucun prix sur la croisette, Only God Forgives n'a pour seul défaut que de n'être sortit qu'après Drive.
Avec un Ryan Gosling toujours aussi muet le film ne parviendra à prendre son indépendance, chose qui aurait du se concrétiser tant l'univers des deux films est différent.
De ce fait, et malgré toutes les bonnes volontés du monde, ce que fait Nicolas Winding Refn dans Only God Forgives tombe dans le déjà vu, alors que ces anciennes mise en scènes (tout en gardant des thèmes inhérents) parvenaient chacune à sortit du lot (de Bleeder à Inside Job, par exemple).

Un mauvais choix de casting pour un film qui est pourtant d'une grande qualité, un nouveau chef d'œuvre visuel pour un réalisateur dont on est pas près de se lasser.

Pierrick Boully
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le 23 sept. 2013

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