Je lis beaucoup de critiques négatives du film en rentrant du film et cela ne me surprend pas du tout. Oui, le film est lent. Oui, il est violent. Oui, le scénario n'est pas des plus fouillés, et oui Gosling est mutique. Une fois ceci dit, j'en viens à ce qui nous concerne : le film.

OGF m'a surprise par sa mise en scène très maitrisée, millimitrée, par la composition hyper significative de chacun de ses plans, des couleurs utilisées, du son entendu..... Dans un film où les acteurs parlent peu, il faut que le spectateur voit tout. Il y a sur ce film un travail de recherches sur l'image, sur sa couleur, sur la lumière..un travail gigantesque quand on sait ce qu'il représente.
A ceci on me répondra que c'est de l'esthétisme. Certes, mais je répondrais " et alors?" Le cinéma n'est-il pas un art visuel? Sensuel?

Le film est lent, comme en suspension, les acteurs parlent peu, on peut dire que l'image prend le dessus sur eux. Cela ne me dérange pas. Je comprends bien qu'on y voit un film d'art avant tout, un film d'esthète ( de la violence), je conçois qu'on s'y ennuie, ou qu'on n'aime pas ce film.
Par contre il est une chose que je n'aime pas lire, c'est que les inconditionnels de NWR sont des "jeunes spectateurs incultes" ..... Il ne faut pas aller voir un film de Refn en le résumant à Drive. Ce film là a été écrit avant Drive, entre Valhalla Rising et Drive très exactement, et l'esthétisme qu'on trouve dans Valhalla Rising se retrouve ici. Il s'agit de mise en scène, de travail de l'image, et n'en déplaise à certains, d'art.

Quant au scénario, si la trame est simple ( un frère doit venger son frère tuer par un policier), le sous texte est tendu. Ce fils a grandi dans l'ombre de son père, terrorisé et fasciné par sa mère, s'interdisant une sexualité normale et se considérant comme sale lorsqu'il se l'imagine, surement parce que toutes les femmes lui rappellent sa mère. La scène de fin ne fait pas des inserts qui entrecoupent le film des flashbacks, mais bien des morceaux de la conscience de Gosling, c'est lui qui pour moi demande à ce qu'on lui coupe les mains, avec lesquelles il a tué son père pour sa mère, avec lesquelles il a commis tant d'horreurs pour elle, et qu'il a plongé dans ses entrailles. Arrêtez moi si je me trompe, mais l'exergue est souvent mise sur ses mains qu'il crispe et serre, non pas dans une anticipation, mais dans un mal être qu'elles expriment pour lui.
En procédant ainsi, Refn se rapproche nettement plus de Vahalla Rising que de Drive, ce qui n'est pas étonnant vu que le film a été écrit entre les deux, et n'est pas pour me déplaire, VR étant un de mes films préférés. La conscience du guerrier silencieux s'étendait sur les flancs de montagne et l'océan, ici la conscience du héros est déversée dans ces couloirs, étriquée entre ses murs. Ce qui apparait logique : il n'est pas un guerrier, il est un pauvre type aux prises avec sa mère, il "prend moins de place" que le guerrier. L'un comme l'autre finissent pourtant par se sacrifier, l'un donne sa vie pour monter au Valhalla, l'autre donne ses mains pour se libérer de sa mauvaise conscience.

Je n'avais qu'une peur avant le début de la séance : que ce film rentre dans un moule (autre que celui de son auteur), que Refn oublie son sens de la lenteur, du silence, du culot, son audace, pour mieux se conformer à un cinéma plus rythmé, plus dialogué, plus conventionnel. Je n'ai pas été déçue. Je vois bien qu'il continuera à ne pas être du goût de tout le monde, mais il est tout à fait du mien.

Créée

le 22 mai 2013

Modifiée

le 23 mai 2013

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EIA

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