Alors que je pensais voir un documentaire sur la vie et la carrière de Peter Bogdanovich, c'est surtout consacré au film Et tout le monde riait, ainsi que sur sa relation avec Dorothy Stratten, une jeune femme assassinée par son ex-mari.
Oui, on parle un peu des films du réalisateur, de manière un peu trop brève, mais il y a déjà le fait que ça reste honnête sur les qualités ET les défauts de Bogdanovich, à savoir une certaine tendance à se mettre en avant (y compris sur les bandes-annonces de ses films, comme What's up, doc ?), mais qui a culminé à un point qu'il avait l'air d'être partout à cette époque, couvertures de magazines, interviews, émissions, on ne pouvait pas le louper dans l'activité cinématographique américaine des 70's. C'est peut-être cet égo surdimensionné que lui a fait payer l'industrie avec tout d'abord trois échecs consécutifs, Daisy Miller, Enfin l'amour et Nickelodeon, qui lui ont valu au final d'être mis au ban de la société.


Du coup, Et tout le monde riait ressemblait à une bulle d'air pour lui, avec un tournage à New York, sa ville natale, ses deux filles qui jouent dedans, Ben Gazzara de retour après Saint Jack, la présence d'Audrey Hepburn (et son fils), John Ritter et bien entendu Dorothy Stratten, dont il fut dire qu'elle était très belle. Tout cela avait l'air de bien se passer, Franck Sinatra qui offre à prix modique les droits de quatre de ses chansons, des scènes filmées dans la rue sans autorisation, les acteurs qui étaient tous heureux, mais malheureusement, il y avait semble-t-il un prix à payer. Non seulement Ben Gazzara était en fait en profonde dépression, du fait qu'il luttait contre un cancer, mais peu avant la fin de la postproduction, Dorothy Stratten sera assassinée par son ex-mari fou de jalousie de sa liaison avec Bogdanovich, avant de mettre fin lui aussi à ses jours.
Le choc sera tel pour le réalisateur qu'il ne s'en relèvera jamais vraiment, et que, dans le chagrin, il rachète les droits de Et tout le monde riait à la Fox pour distribuer le film lui-même en créant à cette occasion sa société de distribution. Ce qui sera une décision catastrophique, car non seulement Bogdanovich puisera dans toutes ses économies (y compris à hypothéquer sa maison), mais l'échec commercial du film le laissera ruiné.


Cela dit, il est dommage que les spectateurs français peuvent voir le documentaire avant voir de manière plus large Et tout le monde riait, disponible en dvd zone 1, car c'est un très beau film sur l'amour à New-York et aussi une déclaration d'amour à cette ville.
C'est aussi un des films préférés de Quentin Tarantino, Wes Anderson et Noah Baumbach, lesquels sont interviewés pour le documentaire. Le premier en parle comme d'une élégante coupe de champagne.


Le titre du documentaire vient d'une correspondance qu'entretenait Dorothy Stratten avec le réalisateur, lequel semble encore très affecté par ce meurtre, ainsi que ses filles ou son ex-femme, qui fut aussi la soeur de Stratten.
Bien que Et tout le monde riait prend une large partie du documentaire, on revient aussi sur Mask, et la polémique face à Universal qui avait supprimé les musiques de Bruce Springsteen. Le choc fut tel pour Bogdanovich, dont le film était tiré d'une passion de Dorothy Stratten pour Elephant Man, qu'il attaqua en justice le studio, ce qui ne se fit jamais, et le mit définitivement en porte à faux vis-à-vis des Majors. Il faudra attendre 2004 et le director's cut qui respecte la volonté du réalisateur.


Bien que ça reprenne plusieurs données déjà émises dans le livre d'entretiens avec Jean-Baptiste Thoret, le documentaire est riche en archives, en personnes interviewées (auxquelles on peut rajouter Jeff Bridges, Cybill Shepherd ou les acteurs de son dernier film, Broadway Therapy), toujours assez franches sur cette histoire et la personnalité du réalisateur, qui reste encore à découvrir, étant donnée que plusieurs de ses films sont encore indisponibles chez nous.

Boubakar
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le 21 oct. 2018

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