Sydney Pollack peut être chaudement remercié.
Bien sûr pour avoir réalisé ce grand film qu'est "they shoot horses, don't they ?".
Mais aussi et surtout pour deux choses à travers ce film terrible:

1- en choisissant d'adapter le roman de Horace McCoy, il choisit en 1969 de mettre à l'écran un roman qui date de l'époque dans laquelle se déroule le récit: 1935 et sa grande dépression. L'occasion, pour des générations différentes, de découvrir une pratique qui semble insensée depuis: des marathons de danse qui pouvaient durer près de deux mois pour le dernier couple debout avec comme règle que les participants aient droit à 10 minutes de repos toutes les deux heures, et pour un gain d'un ou deux milliers de dollars au bout de ce défi fou, au cours desquels les accidents ou la mort n'étaient pas rares (vous pouvez vérifier sur internet, tout ce qui est dépeint ici est arrivé).
Une sacré occasion de se dire une fois de plus que certains comportements humains ne datent pas d'hier. Et que plus la conjoncture est dure, plus ces comportements peuvent paraître inhumains. Que tant qu'il y aura de la misère dans ce bas monde, on trouvera d'un côté des gens qui se prêteront à tout pour tout un tas de raisons aussi diverses que l'argent, l'honneur, l'espoir, que sais-je ? et d'un autre côté des gens pour exploiter ce désespoir en se parant de toutes les vertus du monde, et/ou se murant pourquoi pas, derrière toutes les justifications cyniques que l'on connait si bien encore aujourd'hui.

2- si le film est à ce point réussi, c'est bien par le traitement qu'applique Pollack au film. Je suppose qu'en cela il colle à la nouvelle de McCoy (pas lu mais sacrément envie, du coup) mais on sait comme cela peut être plus compliqué sur pellicule qu'à l'écrit: sans les justifications narratives qui permettent d'entrer dans la psyché de tel ou tel personnage, il est souvent tentant de compenser par du sentiment, du pathos. Il n'en est rien ici, c'est à la fois visuellement très beau mais narrativement implacable.

La fin est en ce sens exemplaire. Elle va jusqu'au bout du propos du film, elle en assoit définitivement l'aspect noir, sombre, terrifiant.

Une période intense et magnifique, en tout cas, pour Sydney Pollack, qui en très peu de temps, aura enchaîné "Les chasseurs de scalps", "le plongeon" (même si non crédité), "on achève bien les chevaux", "Jeremiah Johnson" et bientôt "les trois jours du condor".
Sombre et sublime.
guyness

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