Une nuit, au Liban, le docteur Walter est réveillé dans sa résidence de Tripoli pour qu’il examine une femme souffrante, madame Bortak. Sans l’ausculter, il la dirige vers l’hôpital et apprend le lendemain qu’elle est décédée.
Œil pour œil est un film qui semble à part dans la filmographie d’André Cayatte.
Il aborde toujours la psychologie de l’homme, sa culpabilité, ses remords, mais il filme ça un peu autrement. Il y a toujours l’institution (ici la médecine) qui est mise en avant et qui est interrogée, mais surtout il y a l’homme et ses faiblesses.
Cayatte filme un peu différemment et Cayatte filme ailleurs, au Liban (surtout à Almeria en Espagne où seront tournés plus tard la plupart des westerns italiens), au milieu de villages perdus au bout du monde et des étendues désertiques.


C’est un film très en avance œil pour œil, il anticipe ce que sera le cinéma d’Antonioni, digère celui d’Hitchcock, et lorsque l’on voit le film, qui semble pourtant très méconnu, on est frappé par les similitudes que l’on trouvera plus tard dans plusieurs grands films (Profession : Reporter, Le bon, la brute et le truand, Gerry,…).


Le film est d’une modernité et d’une audace narrative dingues pour l’époque, film tourné en 56.
On suit donc un docteur s’enfoncer peu à peu dabs le cadre et se perdre au fin fond du désert libanais.
Le docteur est incarné par l’autrichien Curd Jürgens qui apporte à lui-seul une vraie étrangeté, par sa voix, son corps, sa façon de se mouvoir, se s’exprimer, qui détonnent au sein de l’environnement dans lequel il évolue.
A côté il y a la bonhommie non moins étrange et singulière de Folco Lulli qui l’accompagne une partie du chemin.
Le film démarre comme du Hitchcock pour basculer dans un road movie existentiel à travers des paysages arides admirablement filmés. On sent la chaleur, la soif, la sueur, la poussière.


En plein milieu il y a une scène géniale, les deux hommes qui se suivent, pour une raison que je ne dévoile pas, ont quitté à pied un village perdu pour tenter de rejoindre la ville la plus proche.
Ils prennent alors un raccourci pour rejoindre l’immense désert, un téléphérique rustique qui permet de relier 2 montagnes.
Cette traversée est le point de bascule narratif. Les deux hommes passent littéralement de l’autre côté, dans un autre espace-temps cauchemardesque, un lieu d’outre-tombe.
Ce qui est fou, c’est que la scène a été reproduit quasiment à l’identique dans le dernier film de Big Gan, Un grand voyage vers la nuit.
Œil pour œil c’est également un grand voyage vers la nuit, le long voyage d’un homme vers la mort, seul face à lui-même.


Inutile d’y aller par quatre chemins, c’est ma plus belle découverte cinématographique de ces derniers mois, c’est absolument génial.

Teklow13
9
Écrit par

Créée

le 11 mai 2021

Critique lue 264 fois

1 j'aime

2 commentaires

Teklow13

Écrit par

Critique lue 264 fois

1
2

D'autres avis sur Œil pour œil

Œil pour œil
JeanG55
8

Œil pour œil

C'est un film de 1957 d'André Cayatte que j'avais vu à la télévision dans les années 70. Fascinant. Au point que j'avais dans la foulée cherché et trouvé le roman de Vahé Katcha dont le scénario est...

le 9 juil. 2022

3 j'aime

Œil pour œil
Cinephile-doux
6

Un désert pour deux

Au Liban, le docteur Walter est réveillé pour examiner une femme. Sans l’ausculter, il l'envoie à l’hôpital et apprend le lendemain qu’elle est morte. C'est entendu, Cayatte ne méritait pas le mépris...

le 3 sept. 2019

2 j'aime

Œil pour œil
NumberSix
7

Critique de Œil pour œil par NumberSix

Ce film de vengeance sourde, offre une tension croissante entre les deux personnages principaux à mesure que Bortak entraîne à sa suite le docteur, l’éloigne de toute vie, et s’enfonce avec lui dans...

le 7 août 2014

2 j'aime

Du même critique

Amour
Teklow13
8

Critique de Amour par Teklow13

Il y a l'amour qui nait, celui qui perdure, celui qui disparait, et puis il y a celui qui s'éteint, ou en tout cas qui s'évapore physiquement. Si certains cinéastes, Borzage, Hathaway, ont choisi de...

le 22 mai 2012

88 j'aime

11

Mud - Sur les rives du Mississippi
Teklow13
5

Critique de Mud - Sur les rives du Mississippi par Teklow13

J'aime le début du film, qui débute comme un conte initiatique. Nichols parvient à retranscrire d'une jolie façon le besoin d'aventure, de mystère, de secret que l'on peut ressentir durant l'enfance...

le 31 mai 2012

56 j'aime

4

Les Amants passagers
Teklow13
2

Critique de Les Amants passagers par Teklow13

Le film possède une dimension métaphorique et repose sur une image politique plutôt intéressante même si déjà rabattue, à savoir assimiler un avion à la société actuelle, en premier lieu la société...

le 26 mars 2013

55 j'aime

4