Second film du célèbre styliste Tom Ford, sept ans après le fort intriguant mais souvent poseur "A Single Man", Nocturnal Animals affiche un caractère bien plus ambitieux, à bien des égards.
Tout d'abord ce casting cinq étoiles, avec la décidément en vogue Amy Adams, de nouveau présente dans un rôle-titre, après sa très belle performance dans le non moins magnifique Arrival (les deux films partagent comme point commun l'affiche tout bonnement hideuse).


Plus généralement, et pas vraiment étonnant de la part d'un obsédé du visuel qu'est Tom Ford, on comprend rapidement que la réalisation va taper dans le haut du panier.
Comment ne pas mentionner cette introduction, qui caractérisera dès le départ le côté totalement clivant du film. Caricature à peine masquée d'une certaine forme d'art contemporain : une parodie de performances scéniques inaccessibles pour le commun des mortels.
Cette scène haute en couleur amorce l'immense distance qui semble séparer Susan, galeriste friquée dans un Los Angeles fantasmé digne de Mulholland Drive, avec le monde réel et par la suite, ses espoirs brisés.


Son profond et perceptible ennui qui semble rythmer sa vie va connaître une interruption, le jour où elle reçoit le manuscrit à peine relié de son ex-mari, Edward (par le toujours aussi puissant J.Gyllenhaal), pourtant sans nouvelles depuis des années. Le moment révélateur, cette petite entaille causée par l'ouverture brusque du colis contenant le roman, condense la nature de cette nouvelle relation qui va s'installer à distance entre ces deux personnages. Dès les premières pages, ce livre fait ressentir à nouveau quelque chose à Susan, autant psychologiquement que physiquement.


La structure est conçue donc en deux parties bien distinctes. La majeure partie du film met en scène un véritable drame familial dans le Texas profond, démarrant par une longue scène assez insoutenable, malgré son aspect attendu, ce qui décuple encore la totale réussite de cette entrée en matière.
La deuxième concerne la lecture de ces événements brutaux par Susan, pas toujours très réussie d'ailleurs, surtout au niveau des transitions entre les deux, avec cette moue figée et répétitive d'Amy Adams.
Une troisième partie apparaîtra un peu plus tard, sous forme de flashbacks révélateurs mais moins inspirés sur le véritable dessein d'Edward.


L'apparence physique de Susan est traitée de manière assez intéressante aussi : naturelle et authentique à une époque, en témoigne ses yeux bleus perçants inévitables, dont l'expression lisible est cachée bien des années plus tard sous un épais trait de liner. Changement peut être anodin, mais qui peut également être interprété comme un écho à certaines paroles d'Edward.
Le deuil émotionnel est par conséquent, au centre du film, mais paradoxalement jamais abordé de manière directe.


Nocturnal Animals tire véritablement sa force de l'intérêt suscité par sa galerie de personnages. La tristesse discernable de Susan, et son lien avec Edward camouflé sous sa plume acérée, cette construction singulière sert totalement le propos du film.
Alors certes, certains choix sont plus contrastés. Un plan en particulier, ironique sous un certain degré de lecture mais qui casse malgré tout un peu trop brusquement la subtilité du film jusqu'à alors. On oublie peut être trop facilement que c'est seulement le second métrage de Tom Ford, la plupart des maladresses sont, à mon sens, pardonnables. Ceci dit, une certaine faute de goût inélégante semble (j'insiste sur le semble) faire un parallèle assez maladroit entre deux événements clés. Jamais explicitement en effet, mais le vernis à gratter reste très fin.


Le film est, en tout cas, absolument impeccable formellement. Malgré son esthétique très léchée, c'est bien souvent l'action qui prend le dessus. Peu de plans sont gratuits et l'ambiance générale, que ce soit ce Texas étouffant ou l'élite arty de la cité des anges, fonctionne véritablement bien.


Nocturnal Animals desserre que très rarement l'étreinte qu'il entretient sur le spectateur, principalement grâce à une double narration intelligente, mais aussi soutenu par un casting XXL.
Outre Amy Adams et Jack Gyllenhaal, à noter que le grand Michael Shannon régale dans le rôle du flic texan délicieusement caricatural, tout comme un Aaron Taylor-Johnson (le gars de Kick-Ass quoi) étonnant en redneck dégénéré.
Tom Ford signe dans l'ensemble un thriller vénéneux et complexe, bien loin du simple film d'esthète inutilement démonstratif auquel on aurait pu s'attendre, avec une petite vibe Lynchienne en prime, rien que ça...

Strangeek
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le 22 mars 2017

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Strangeek

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