"Nightcrawler (Night Call en version française) est un bon vieux polar à la morale gênante dans les dents et tout le bazar du fricotin subreptice.
Le film ouvre sur des antennes paraboliques sur les toits de L.A. Transmission des niouniouzes toutes fraîches.
Puis c’est la nuit. On découvre Jake Gyllenhaal en train de découper une clôture. Mais pourquoi ? , est en droit, bien légitime, de se demander le spectateur. Et puis on le voit en gros plan, maigre, blafard, carnassier, yeux exorbités. Un flic veut l’arrêter, mais Jacky l’agresse et s’enfuit non sans lui avoir auparavant piqué sa Rolex. Là, on se dit : pas clair, ce type. Ben ca ira de mal en pis. Après, on le voit en train d’essayer de refourguer ses clôtures à un chef de chantier moyennant espèces sonnantes et trébuchantes. Ahah, il fait du business au black. Donc, Jaquot a pas de boulot. C’est l’intro.
Au hasard d’une de ses virées nocturnes, il assiste à l’arrivée d’une équipe de télé sur les lieux d’un accident de voiture. En fait, c’est une équipe freelance dirigée par Bill Paxton qui aime jouer du klaxon et qui a pas tellement vieilli depuis Aliens au pluriel, celui de James Cameron avec Bishop alias Lance Henriksen qui saigne du sperme quand on lui coupe la tête parce que en fait c’est un robot, mais je m’égare.
Billy vend ses reportages saignants à des chaines de télé qui les diffusent dans leurs breaking news direct au petit déj tu vomis dans tes céréales ou sur tes gosses, merde c’est dégueulasse. C’est une épiphanie pour Jacquouille ! Alors, il chourave un vélo high-tech et le troque à un second-hand shop contre une caméra. Et c’est parti mon kiki ! Il se branche sur la fréquence de la police, apprend leurs codes d’urgence et part filmer des accidents ou des faits-divers genre engueulades de couples, fusillades et tout le toutim. Il apprend vite, vend son premier reportage à une productrice en fin de carrière (René Russo qui est devenue franchement bien moche depuis l’époque de l’Arme Fatale 3), et pour faire face à une compétition sauvage et acharnée, commence à mettre en scène ses reportages et perd carrément le peu d’humanisme qu’il avait en lui…
Il paraît que c’est comme cela que Jake Gyllenhaal s’est préparé pour son rôle : il s’est imaginé une hyène famélique guettant et flairant la charogne, l’odeur du sang frais. Mais lui, au contraire de l’animal, ne le fait pas dans un souci alimentaire (on ne le voit presque jamais bouffer dans le film), mais pour la gloire et le POGNON. Le fric, le flouze, la money, l’esbroufe, et on comprend alors pourquoi dès le début du film il vole cette Rolex. Son Dieu, son but ultime est l’argent. Jake Gyllenhaal habite ce rôle, on sent le Method Acting (peut être un peu trop d’ailleurs), il a du se préparer comme Christian Bale pour The Machinist (il paraît qu’il mangeait quotidiennement une simple boîte de thon et des clémentines avant et pendant le tournage, mais je suis plus trop sûr pour les clémentines). Il est maigrichon, pâlichon, fantomatique, déshumanisé.
Il emprunte aussi à Malcolm Mc Dowell dans le premier plan d’Orange Mécanique (le regard fixe, il ne cligne presque jamais des yeux de tout le film). Bon, la « fameuse » scène où il casse le miroir de sa salle de bains en hurlant « fuck » est certes impressionnante, mais elle fait tout de même super cliché, mon gars. Critique des médias et des spectateurs qui se repaissent de Breaking News sanglants, panem et circenses pour endormir le peuple : pas mal. Et puis, il ose un truc devenu assez rare pour Hollywood : une fin amorale et pas forcément joyeuse (je vous le dis, 70’s en force !). L’ambiance nocturne m’a fait penser un peu à Night Moves d’Arthur Penn.
Oui, ce film est cynique en diable, vachement bourrin même, il a quelques petits défauts de justesse qui l’empêchent de devenir un chef-d’œuvre, mais il exhale de son pot d’échappement un sombre fumet d’impertinence et de provocation des plus agréables." par Botzky