Le cynisme est entendu dès le départ et c'est tant mieux. Le sujet ne sera pas directement celui de la télévision sensasionnaliste, et même si l'on s'y attarde un peu lourdement en toute fin, la question de la bonne morale, de l'info-poubelle, des détournements visuels en tous genres ne sert que de toile de fond au portrait d'un american psycho 2.0, Lou Bloom, chasseur d'images chocs, dont la vocation tient autant du hasard que de la pathologie.
Nigh call (titre "français") est très efficace. Mise en scène rythmée, image soignée, montage subtil, scénario au cordeau, le film de Dan Gilroy fonce à fond la caisse sans déperdition aucune, belle mécanique bien huilée, du bon boulot.
On lui fera donc les mêmes reproches qu'à Gone girl, dans cette perfection finalement un peu vaine parce que trop ripolinée, sans surprise et presque sans émotion. Notons cependant quelques passages particulièrement réussis, notamment la course poursuite clé du film, et l'érotisation sublimée de la relation entre Bloom et sa "cliente", Nina Romina, elle-même largement aussi barrée que lui.
Dominé par un Jake Gyllenhaal habité, parfois proprement halluciné, sorte d'archétype zombiesque du self-made man à l'américaine, miroir sombre d'une (excellente) Rene Russo ressuscitée en vieille bombe permanentée à la puissance vacillante, Night call demeure un divertissement de qualité.