« L’enfer, c’est les autres ». Tel est l’adage que l’on prête aujourd’hui à Jean-Paul Sartre, éminent philosophe du 20ème siècle ; et que l’on peut désormais actualiser et prêter à Lou Bloom ; anti-héros de ce film aux airs d’exégèse d’un monde médiatique, rongé par les maux issus de ses dérives morbides. Car loin du polar endiablé vendu au sein du trailer ou caracolait une Chevrolet rouge voguant à vive allure sur l’asphalte nocturne de la Cité des Anges, Night Call (en VO NightCrawler) se veut un film qui ausculte, qui décortique. Dans la ligne de mire de ce film aux airs de brulot, les médias. Institutions archaïques et cyniques pour certains, relayeur de déblatérations mensongères pour d’autres, les médias ont toujours affiché, lorsque passés sous un scope de cinéma, cette odeur de soufre caractéristique, ou la noblesse du métier se heurte à l’absence de morale ou de retenue, que celle de filmer des cadavres encore fumants après un sordide accident. Et Night Call, ose de manière brillante, personnifier cette immoralité couplée à cette marchandisation de l’horreur et du sensationnalisme, sous les traits de Lou Bloom.

[...]

L’étonnante concordance des faits montrés à l’écran, à celle de notre société actuelle habituée à la violence quotidienne (jeux vidéo – cinéma – télévision) provoque le malaise tant elle fait ainsi le sel de cet électrochoc hollywoodien, remarquablement mis en scène, et appuyée par une lumière tirée du chef op’ attitré de Paul Thomas Anderson (The Master / Magnolia) toutefois entaché par un rythme n’arrivant jamais à suivre les pérégrinations amorales de cet énergumène au regard vide.

Car, aussi insensé que son sujet pourrait le laisser croire, Night Call malgré son attrait évident, n’est jamais trépidant ; n’arrivant jamais à condenser cette odyssée survoltée reconvertie en quête à l’American Dream, en un produit aussi rapide que le temps de réaction de son personnage principal. Fort de ce rythme distordu, permettant de noter l’épais mystère entourant le personnage de Gyllenhall et son interaction, forcément difficile, avec les autres, par son comportement intriguant, le film se permet de développer la profondeur des personnages, tous plus ou moins impliqués par l’étonnant relent d’actualité pesant sur le film, symbolisé par la crise économique galopante et les choix d’ordres moraux que pratiquent ces protagonistes pour s’en sortir.

Au final, loin du délire esthético-violent de Drive, auquel on l’a longtemps rattaché (production oblige), Night Call s’affirme comme l’une des incursions les plus réussies dans le milieu journalistique moderne tout en faisant la part belle à un portrait d’homme, aussi amoral qu’antipathique, dont la froideur, virant à l’indifférence obséquieuse est voué à s’inscrire durablement sur les rétines et dans les classements des meilleurs méchants du cinéma.

Par Antoine
Neocritics
7
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le 1 déc. 2014

Critique lue 315 fois

Neocritics

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