L.A. my kinda place, disait Barry. L.A., ses palmiers et ses bikinis, ses hélicoptères et ses boulevards sans fin, ses starlettes partout et ses JT du matin quand le soleil s’extirpe de l’horizon, sale. Et dans ses nuits violentes et sans étoiles, voilà que s’avance Louis Bloom, le Rastignac de la breaking news, le charognard du trash traînant le ras du bitume et les ténèbres LED à la recherche du scoop ultime. Le meilleur cambriolage, le meilleur crash d’avion, le meilleur car jacking, la meilleure fusillade avec canons à pompe… On ne s’en étonnera même pas. Habitués on est. Blasés. Lessivés. Rien de nouveau que l’on sache déjà sur le cynisme et le prêt-à-tout du mass media mondial. Et puis avec la frénésie 2.0, c’est encore pire. Bien avant, jadis, Billy Wilder abordait lui aussi le sujet dans son magnifique Gouffre aux chimères. C’était en 1951. Charles Tatum vs Louis Bloom. Rien n’a changé, le temps ne détruit rien. La frénésie du sensationnel a la peau dure, surtout dans ton salon.


Nous en France, on se sent un peu moins concerné par la chose, par cet aspect crapuleux et spectaculaire de l’info poubelle avec des bouts de bidoche dedans. Nous on a juste Hollande et Gayet, on a des similis Scarface à Marseille, on a ces abrutis de la Manif pour tous, on a Nabilla en reine de la découpe. Lol. Du coup, on préfère largement s’intéresser à Louis qu’à ce réquisitoire finalement assez convenu, pas super-pertinent malgré sa dose d’humour noir et de morgue juteuse. Louis donc, avec son visage noueux et ses yeux exorbités, son faciès de junkie en manque d’hémoglobine et de carambolages. Jake Gyllenhaal sort le grand jeu. Il a l’air toujours sous médoc, en extase. Il vampirise. Riz Ahmed et Rene Russo (très bien) existent à peine. Des formes vagues.


Mais son personnage reste sur des chemins balisés, identiques, d’highways cyclopéens en ruelles équivoques. Développement zéro, progression unilatérale. Un opportuniste tendance psychopathe qui n’évolue pas, sinon dans son insatiable appétit social avec l’éthique en suppo. Sans vouloir nécessairement tout connaître de lui (filou à la petite semaine s’instruisant du sens de la vie sur Internet), on aurait voulu voir des brèches s’ouvrir, le voir à genoux, buter parfois, le découvrir autrement qu’en chacal aux dents longues qui ne restera qu’un chacal aux dents longues. Dan Gilroy a du mordant, il a du savoir-faire (mise en scène nerveuse, belle montée d’adrénaline finale), mais il échoue en partie dans l’à-propos de sa charge soi-disant subversive contre l’immoralité journalistique, en boucle dans nos quotidiens plasmas.

mymp
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le 26 nov. 2014

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