Un homme, bercé par la solitude et dont l'existence repose sur des écrans et internet, se prend au jeu du reporter de terrain couvrant des faits divers pour une chaîne d'information locales. Cela dans un Los Angeles nocture et tentaculaire, qui regorge de méfaits plus ou moins graves.
Dès l'introduction du film on nous présente Louis Bloom comme un homme voleur, qui a faim de réussite professionnelle. Il ne semble pas excessivement futé au premier abord, c'est un bandit de grands chemin sans envergure (vols d'une montre à l'arraché, vol de ferraille, vol d'un vélo..). Il se déplace dans une vieille Toyota et vit dans un petit appartement. Cependant dès les premières séquences on comprend qu'il a un talent pour s'imprégner de discours préfabriqués et sans âmes, dans l'art de la négociation notamment. Il dit un peu n'importe quoit, mais avec beaucoup de conviction. Il semble savoir faire preuve d'une grande adaptabilité et ne pas avoir de limites (scène avec le ferrailleur auprès duquel il réclame un emploi dans son établissement alors qu'il vient revendre de la matière volée à ce même homme).
Le hasard de la vie le conduira sur les lieux d'un accident de voiture, sur lequel il découvrira que filmer ce type de faits divers en avant première peut rapporter de l'argent. Dès ce moment là son cerveau sera animé d'un plan sans échappatoire pour réussir à exister et faire fortune via cette activé. Coûte que coûte.
Le film parvient avec talent à créer un homme détestable à travers Lou et sa quête de succès et d'argent. Plus rien n'aura d'importance, pour lui, hormis le fait d'être le meilleur dans sa quête de l'image choc. Nina, en charge de la matinale sur la chaîne 6, lui fait comprendre ce qu'on attend de lui : une cible ? Le populations blanches aisées sensibles à l'émission et qui représentent une audience de poids. Un objectif ? Choquer et émouvoir la cible pour la scotcher à l'écran et la rendre accroc via des faits divers se déroulant dans des quartiers huppés et mettant en cause des minorités. Des limites ? Moralement aucune, légalement on s'adaptera. L'univers des médias, en quête perpétuelle de l'avant première, y est dépeint dans le film.
Lou va ainsi s'imprégner de cette feuille de route pour mener à bien son projet (business plan) et satisfaire ses ambitions. Éliminer la concurrence, filmer la mort, mentir, tricher, manipuler... Tout est bon pour satisfaire Nina et ses ambitions. À la moitié du film environ j'en suis venu à me dire qu'il ira jusqu'à commettre un meurtre de ses propres mains pour pouvoir se mettre en scène et se targuer d'avoir les images en exclusivité. Finalement il a été plus malin que cela, mais non moins fou.
J'ai trouvé intéressant dans ce personnage de Lou le fait qu'il absorbe masse d'informations (trouvé sur internet étant donné son caractère de solitaire sociopathe) qu'il arrive ensuite à recracher comme un robot pour réussir et s'adapter dans ce qu'il entreprend.
Il est très terre à terre. La scène au restaurant avec la responsable du JT du matin, qui lui achète ses vidéos, est dingue. Il lui dit avec la plus grande transparence qu'il souhaite se mettre en couple et coucher avec elle, qu'il s'est renseigné sur son passé, que sans ses vidéos elle perdra son poste. Il va droit au but sans aucune réserve et lance une négociation de sexe contre ses vidéos. L'homme est jusqu'au-boutiste.
La fuite en avant de cet homme, sans concession, est prenante à suivre. En grand amoureux des films se déroulant dans un Los Angeles nocturne, dont les possibilités d'actions et de situations semblent illimités, j'ai beaucoup aimé la photographie du film. J'ai pensé à Collatéral de Michael Mann dans cette succession d'événements nocturnes au volant d'une voiture avec un binôme marqué par deux personnalités opposées. Jack Gyllenhaal, visage glabre et regard possédé, est très bon dans ce rôle. Son personnage fait preuve d'une détermination et son emprise sur les autres qui deviennent flippants au fil du film. Dès lors qu'il ne tient plus tête face à quelqu'un, il use de méthodes radicales pour l'éliminer de son chemin.
Pour conclure j'ai passé un bon moment, on a affaire à un film esthétiquement plaisant, un personnage principal intéressant et une intrigue qui tient la route. Petit bémol sur la bande son qui est plutôt insignifiante.