C'est dans un décor lunaire que Clément Cogitore installe les personnages de son dernier long métrage, Ni le ciel ni la terre, sorti en 2015. Un décor désespéré pour les hommes du commandant Antarès, chargés de la surveillance d'une vallée afghane à la frontière du Pakistan. C'est la fin de la guerre, pourtant la situation va se tendre dans cette vallée aux allures de désert.


Le dispositif du film a en lui quelque chose de fabuleux. Clément Cogitore créé une scène de théâtre dépouillée, un désert hors du temps, sans avenir, sur lequel la vie tient grâce à des rafistolages, des bouts de ficelle sur lesquels sont greffés des croyances, des dogmes auxquels on s'accroche pour tenir en vie. Le souvenir d'une femme laissée en France prête à accoucher, la croyance en la profonde hostilité de l'étranger et la nécessité de se défendre.
Il faut refouler ses sentiments, ceux qui nous rendent humain, ses pensées trop profondes et ses doutes, ceux qui remettent en question notre engagement, en l'occurence celui à une guerre à laquelle on ne croit plus vraiment.


Un événement va pourtant dérégler le mode pensée ambiant : les hommes de l'équipe disparaissent un par un, sans raison, brusquement, défiants toutes les lois de la rationalité.


Pour continuer à vivre si l'on reste, il faut alors se raconter une histoire, qu'elle relève de la croyance, de la religion ou du simple discours sur la vie, sur l'habitude à vivre. C'est la construction de ce discours que le film ausculte avec une grande justesse, celui que l'homme construit chaque jour pour tenir hors du vertige que procure l'enjeu à vivre. Pour continuer à vivre quand on est confronté à l'impossible, à l'irrationnel, il faut se lancer, fixer son regard sur l'horizon pour ne pas éprouver de vertige.
Et c'est ce que met en scène l'ambitieux Cogitore : une scène de théâtre sur laquelle il donne les moyens de vivre tout en titillant la question du "pourquoi je vis ?".
Alors les hommes cherchent, alimentent leur discours mais perdent peu à peu foi en l'humanité, se rattachant à la vie qu'ils voient notamment en l'animal, en un lézard vert fascinant, galvanisant trouvé aux abords d'un puit creusé où l'on cherche désespérément les disparus.


Dans l'incompréhension totale, la folie semble être le seul moyen de survivre si l'on ne se volatilise pas, malgré le discours que l'on créé. Une folie qui naît dans la fouille de toutes les options à la rationalité. Une folie qui s’illustre par un plongeon dans la croyance ou dans une transe hypnotique et dansée par l’un des hommes, au rythme salvateur d’un son techno. C'est l'urgence à la création d'un discours ni dans le ciel, ni dans le terre que Cogitore crie. L'urgence à vivre avec ce discours, même si c'est bancale, même s'il est maladroit.

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le 20 déc. 2016

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