Woody Grant (Bruce Dern), un septuagénaire alcoolique et lunaire marche sur le bord d'une route, ignorant le flot de voitures qui passe, son but ?
Rejoindre le Nebraska pour toucher le million de dollars qu'il est persuadé d'avoir gagné après avoir reçu un dépliant publicitaire. Après négociations et contre toute attente, son fils David (Will Forte) accepte de faire le trajet avec lui, 1500 kilomètres de souvenirs entre mélancolie et amertume...
Nebraska renoue avec le genre du road-movie qu'avait déjà brillamment mis en scène Alexander Payne dans Sideways, 10 ans auparavant. Ici ce n'est plus la route des vins californienne qu'il filme, mais l'état où il a grandi, le Nebraska. Les petites villes en crise où les magasins sont fermés et les routes désertes deviennent le décor à la fois beau et désenchanté de cet étrange voyage familial.
La force évidente du film est son absurde point de départ. Tout comme David et Kate, sa femme (June Squibb), nous savons bel est bien que le ticket gagnant de Woody n'est qu'une arnaque et que ce retour au Nebraska aura pour finalité une grande déception. L'espoir qu'entretient le vieil homme n'est qu'illusion. Pourtant, nous venons à oublier la bêtise de Woody, trop crédule pour se rendre compte de l'arnaque pour nous plonger dans son passé. Cette plongée n'est pas sans heurt et à plusieurs reprise le dicton « On ne choisit pas sa famille » prend tout son sens.
Néanmoins, si certaines scènes dépeignent cruellement la vie rurale, le propos de Payne n'est pas condescendant, rendant hommage à cette Amérique profonde, grande oubliée du capitalisme qu'il filme dans un noir et blanc nuancé, mettant en valeur les visages abîmés de ses habitants.
Encore une fois, le réalisateur n'a pas dans l'idée de ne faire qu'un portrait mélancolique du Nebraska non, le réel sujet du film est plus sensible. C'est une peinture toute en nuances sur les relations familiale et notamment des liens père / fils. Au fur et à mesure du film, David découvre le passé de son père qui jusqu'alors était mutique. Finalement, ce père un peu allumé qui ne semblait avoir rien d'exceptionnel et que tout le monde aimait (sa femme y compris) à rabaisser a fait de belles choses et mérite tout le respect que son fils lui accorde.
Nebraska n'est pas misérabiliste et parvient avec brio à ne pas s'enfoncer dans la mièvrerie qui pourrait être tentante avec ce genre de sujet. Grâce à ses personnages profonds et à quelques pointes d'humour acerbes, souvent délivrées par June Squibb.
Le parcours de Woody et David est une belle leçon sur l'être et le paraître et sur la facilité des gens à juger bêtement les autres sans les connaître.
Woody, que l'on prenait pour un vieux fou, devient un héros grandi par l'amour de son fils, conduisant fièrement un 4x4 flambant neuf, comme un pied de nez à tous ces gens qui ne voient la valeur des gens qu'aux signes extérieurs de richesse.
Alexander Payne signe une nouvelle fois une œuvre touchante et impliquée, dans son sujet comme dans sa forme, prouvant que le cinéma américain indépendant a encore de belles heures devant lui.