Nathalie... par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Catherine est une femme vive et dynamique que l'on pourrait qualifier de "bien sous tous rapports". Sous cette allure "bon chic bon genre" de bourgeoise snobe et rigide du seizième arrondissement se cache en fait un problème de couple qui lui gâche quelque peu sa vie: les infidélités conjugales de Bernard, son mari, devenu indifférent envers elle. Désemparée par cette situation, elle n'a qu'un objectif: essayer de savoir si cette relation amoureuse n'est qu'une aventure passagère ou si elle est susceptible de mettre son couple en péril. Pour en savoir plus, elle rencontre dans un bar de nuit avec chambres Nathalie, une ravissante prostituée. Catherine va alors payer les services de cette jeune femme afin qu'elle parvienne à séduire Bernard et lui raconter par le détail, lors de rendez-vous réguliers, leurs relations intimes. C'est en utilisant ce stratagème perfide qu'elle pense pouvoir retrouver un jour l'intérêt et l'amour de son époux à son égard. Une véritable complicité va alors s'instaurer entre les deux femmes.


Pour son sixième film, Anne Fontaine nous offre avec virtuosité un portrait de deux femmes au comportement et à la vie radicalement différents. Catherine est enfermée dans un carcan de principes rigides dus à son éducation. Chez elle nulle fantaisie, pas d'improvisation ni de simplicité, tout est mondanité et tabous. La rigueur et les habitudes qui en découlent cassent petit à petit ce couple, ce qui va pousser Philippe à partir à la recherche de la liberté, de la fantaisie et du bonheur. L'arrivée d'une troisième personne dans la vie du couple va réveiller la sexualité de cette femme. Nathalie est toute autre. Elle est sensuelle, rassurante et conteuse née. Malgré cela, elle n'est peut-être pas celle qu'elle aurait voulu être. Chacune de ces deux femmes rêve alors d'acquérir une part de la personnalité de l'autre et cela va créer entre elles une curieuse relation. Nathalie va laisser transparaître toute sa sensibilité et son don de manipulatrice afin de raconter dans le détail ses relations sexuelles mais en fait imaginaires avec Philippe. Les récits de Nathalie vont gagner chaque fois en détails et en intensité. Catherine va alors être subjuguée et finalement aspirée par le climat de ces contes plein d'érotisme. A travers ceux-ci, elle va tenter de "découvrir" son mari mais aussi de se découvrir elle-même en faisant un retour sur ce qui explique son désarroi, à savoir son passé, son éducation et son attitude. Cette femme, convaincue jusqu'alors du bien fondé de ses principes, va peu à peu découvrir la réalité des choses et venir à plus d'humanité et de compréhension sur le sens de la vie. En fait le rôle de Philippe n'est qu'un argument servant à l'analyse, très judicieuse, de la condition de ces deux femmes. Il en advient qu'entre Catherine et Nathalie, pas si éloignées l'une de l'autre malgré un parcours de vie très différent, une complicité et une certaine osmose vont naître à travers leurs fantasmes.


Anne Fontaine peut en surprendre certains dans son propos que l'on peut résumer ainsi: "Couchez avec mon ou ma partenaire pour voir comme il ou elle me trompe". Ce sujet est hardi et loin des conformismes, les dialogues sont crus, percutants et pourront choquer. Pourtant la réalisatrice met en avant de façon très courageuse une question primordiale et récurrente que se posent beaucoup de couples faisant semblant de ne s'apercevoir de rien au nom des convenances. Pour aborder ce sujet, Anne Fontaine s'est entourée de deux remarquables comédiennes que sont Emmanuelle Béart, très troublante et réaliste dans ce personnage d'objet sexuel et Fanny Ardant dans sa quête effrénée par besoin de savoir et de comprendre. Gérard Depardieu interprète avec beaucoup de sensibilité le rôle de l'élément perturbateur qui, par la lassitude de son quotidien, va déclencher la rencontre et la complicité de ces deux femmes opposées, rêvant à leur manière du parfait amour, l'une le racontant et l'autre l'écoutant.


Il faut voir ce film très attachant, plein de tendresse. Il serait dommage de passer à côté de l'originalité d'une telle oeuvre mettant en valeur la performance de deux très grandes actrices dans une mise en scène très sophistiquée servie par de merveilleuses couleurs chatoyantes.

Grard-Rocher
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le 21 mai 2013

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