La nuit à peine tombée et Memphis délie les langues et les illusions. On regarde le train défiler à travers le cadre d’une fenêtre pour mieux contempler la beauté de l'horizon ou pour mieux se détacher des petits tracas quotidiens. Mystery train déambule sous un air douceâtre de Rock’n’Blues, comme une ode à la nostalgie, dans une ville clairsemée typiquement américaine, presque vidée de son essence où ère un peu hagard le fantôme du King Elvis Presley. Le film de Jim Jarmusch accompagnera, avec compassion, la virée nocturne de plusieurs étranges existences dans un hôtel miteux de Memphis, lieu de pèlerinage intérieur d’âmes dispersées.

Un couple japonais de Yokohama au look Rockabilly charmant étant fan du King et de Carl Perkins, une veuve italienne un peu paumée devant se coltiner une pipelette fauchée, puis un homme venant de se faire jeter, complètement bourré, consolé par son beau-frère et un pote à lui. Mystery Train capte avec parcimonie des petits moments de vie à la gravité légère et au bonheur nostalgique. De là, jaillit une atmosphère bien particulière, avec un humour de situation burlesque mais à la finesse touchante notamment à travers le duo de réceptionnistes de l’hôtel. On aperçoit ces trois moments de façon distincte et successive sans qu’il y ait vraiment de trame narrative, mais cela ne nous empêche pas d’apprécier la belle fébrilité des dialogues comme devant la complicité dévorante de ce petit couple nippon, s’amusant avec un simple rouge à lèvres ou essayant de se dissuader de l’influence presque mythologique du King.

Mystery Train, hommage à tout un pan de la musique Rock’n’roll avec notamment la présence remarquée de Joe Strummer, est un peu comme une ballade jazzy, au souffle court, à la respiration lancinante, nous racontant le destin à la fois jovial et triste d’individu lambda. On suit leur conversation, leur confession sur l’amour, sur leur vie, leur sentiment. Réalisation simple mais classe, au jeu de couleur qui fait doucement rappeler Wong Kar Wai notamment dans sa première partie, avec quelques belles trouvailles comme ces simples mais magnifiques travellings où l’on voit marcher les personnages sous le soleil couchant des ruelles vides de Memphis, Mystery Train dégage un parfum vraiment touchant, qui nous attrape pour nous emmener dans cet univers passionnel écrivant la chronique attendrissante de loosers magnifiques.
Velvetman
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le 21 janv. 2015

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