Officiellement, My Life Directed by Nicolas Winding Refn de Liz Corfixen, est un making of d’Only God Forgives



  • avant tout, Only God Forgives c’est ce fameux film de Nicolas Winding Refn que tout le monde, TOUT LE MONDE, attendait comme un Drive bis en Thaïlande… Sauf qu’une fois sorti, il fut plutôt perçu comme un film prétentieux, miné par son jusqu’au bout-isme formel. Un film qui s’enfonçait dans un non-rythme et se perdait dans sa succession de tableaux expressionnistes – magnifiques, mais (en apparence) vides de sens. Un film qui n’avait pas conscience de son spectateur. Une déception -


En ayant visionné l’intégralité de la filmographie de NWR grâce à (notre) rétrospective, j'ai pu porter un regard différent sur Only God Forgives , que je n'avais pas lors de sa sortie salles. Plutôt qu’une oeuvre prétentieuse, Only God Forgives m'est apparu comme trop personnel pour être accessible. En effet, il est une synthèse de l’ensemble des thématiques ayant nourri le cinéma de NWR: parentalité, violence, fascination pour La Femme, importance de la symbolique, cinéphilie, autobiographie et catharsis. Mieux, il est cette clé permettant de décrypter ses films les plus obscurs, abscons ou mineurs, comme Valhalla Rising, Bronson et surtout Bleeder.


My Life Directed by Nicolas Winding Refn revient alors sur le tournage de ce chef d’oeuvre incompris (selon moi), et prend le parti d’observer comment NWR envisageait son film, entre cette pression exercée par le monde entier suite au succès de Drive, et son envie de faire exactement le film qu’il voulait. Malgré son cynique titre, My Life Directed by Nicolas Winding Refn n’est finalement pas une étude du couple Liz Corfixen / Nicolas Winding Refn, et encore moins un portrait de femme… Il génère au contraire une immense empathie envers NWR, une empathie d’autant plus frappante que l’on sait d’avance quel accueil reçut Only God Forgives à sa sortie. My Life Directed by Nicolas Winding Refn dresse un portrait passionnant d’un réalisateur torturé manquant de confiance en lui.


Car le talent est une chose : NWR sait sans doutes diriger des acteurs, réaliser, mettre en scène, composer un cadre, filmer un mouvement, iconiser ses acteurs… Mais ce qu’il apparaît à travers My Life Directed by Nicolas Winding Refn, c’est que NWR ne sait absolument pas ou il va avec Only God Forgives. En montrant aussi bien la frénésie du plateau de tournage, que l’intimité la plus dérangeante du réalisateur ou les interactions de celui-ci avec d’autres gens, comme Ryan Gosling ou ses techniciens et producteurs, Liz Corfixen capte avec beaucoup d’émotion ces beaux moments d’hésitation entre la recherche du succès à travers l’adhésion de son spectateur, la nécessité de prouver son talent, et la volonté de faire parler sa créativité dans un but finalement plus personnel qu’altruiste. NWR comme son film, se retrouve coincé dans ce conflit d’intérêts. Il voit comme nous l’impossible conciliation, et s’emmure progressivement dans une inquiétante schizophrénie : rassurant et control-freak en public, ultra-dépressif en privé.



Only God Forgives gagne un nouvel éclairage, par cet empathique film sur Nicolas Winding Refn.



My Life Directed by Nicolas Winding Refn éclaire alors sur la vraie nature d’Only God Forgives. Un film à l’image de son réalisateur: virtuose, mais lunatique, orgueilleux et schizophrène. Un film inconscient de ce qu’il est réellement, ce qui renforce, pour moi du moins, son aura de génie.


Si je resterai circonspect quant aux interventions divinatoires de Jodorowsky, car le cinéaste semble surtout faire un transfert de son propre vécu sur NWR; Si Liz Corfixen fatigue à vouloir désespérément ramener le film à elle et à son inintéressant quotidien de «femme d’artiste au foyer»,
Et si le doute subsiste, quant à la « mise en scène » de l’ensemble dans le but de justifier l’échec économique (et même artistique pour certains) d’Only God Forgives…
My Life Directed by Nicolas Winding Refn m'aura malgré tout renforcé dans l’idée que NWR est un auteur passionnant, et que Only God Forgives est réellement son C H E F D’O E U V R E.


Critique originellement publiée sur Le Blog du Cinéma (ICI)

Georgeslechameau
7

Créée

le 5 oct. 2019

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