Comme à l'accoutumé, un film de D. Lynch n'est pas des plus simples à raconter... C'est pour faire simple l'histoire de deux femmes que tout oppose, dont la rencontre, hautement improbable, va les amener à révéler leur côté le plus sombre dans une spirale infernale.

Tout commence par l'escapade d'une brune énigmatique qui se retrouve à squatter par hasard un appartement désert de Los Angeles après avoir perdu la mémoire accidentellement. Cet appartement ne reste vide que peu de temps car très vite arrive la deuxième protagoniste, ses valises remplies de rêves hollywoodiens, accueillie chez sa tante en voyage à l'étranger. Notre Brune désemparée semble tellement perdue qu'elle attendrit la blonde ingénue. Elles se lancent alors à corps perdu dans une quête d'identité des plus mystérieuses. Une clé bleu les entraîne à travers Hollywood jusqu'au paroxysme d'un liaison torride.

Elle rencontreront pêle-mêle un cinéaste intègre qui se jouent des pouvoirs obscurs qui veulent le diriger, un duo de policier véreux et un tueur à gages pitoyable de malchance. Elle se retrouveront dans un cabaret dans lequel une chanteuse entonnera une complainte des plus poignantes. Ensuite retour dans l'appartement où la découverte d'une boite qui correspond à la clé bleu pourrait bien enfin apporter la solution à l'énigme qui devient de plus en plus inextricable.

C'est là que le film bascule et qu'on retrouve nos deux héroïnes dans des situations complètement antagonistes ; Rita la brune amnésique se retrouve en actrice célèbre du nom de Camilla Rhodes alors que la blonde se trouve désoeuvrée dans une maison, qu'elles avaient visités lors de la première partie du film, passant son temps à se lamenter sur une liaison passée avec Camilla. S'ensuit une indescriptible suite d'évènements qu'il ne convient pas de raconter ici au risque de déflorer le film et de lui faire perdre de sa substance.

Il est bien difficile comme à l'accoutumé de décrire de façon limpide un film de Lynch. Pour commencer on retrouve tous ses thèmes classiques, à savoir une galerie de personnages des plus étranges et énigmatiques, une histoire rythmée par des effets sonores oppressants et une trame manichéenne malgré tout des plus lisibles. Et malgré ces effets propres à Lynch et, pourrait-on dire usés jusqu'à la corde, marchent à merveille et qui plus est nous offre peut-être son meilleur film.

Peut-être son incursion dans un univers plus serein, plus "normal" lors de son précédent film A straight story, lui a-t-elle permis de mieux connaître ses démons et ainsi mieux les rendre à la caméra tant l'univers de Mulholand Drive est riche et torturé. Les deux actrices rayonnent de leur beauté envoûtante sous l'oeil attentif de la caméra de Lynch. L'étrange créature noire et sale qui hante l'arrière-boutique d'un coffee-shop est répugnante à souhait, le cow-boy philosophe loufoque à l'envie et le nain dans sa chaise roulante, dans la sempiternelle salle aux tentures rouges, est inquiétant comme Lynch sait rendre les gens.

Comme son consort Kubrick, Lynch sait trouver le ton juste à l'emploi d'acteur inconnus ou méconnus, renforçant par là le côté irréel du film. Beaucoup suggéreront d'ailleurs que la première partie du film, celle où Rita est amnésique, n'est qu'en fait un rêve et la seconde une simple présentation plus "réelle" de la matière onirique ainsi donnée.

Pour ce qui est de la réalisation, on a une de plus la patte de Lynch dans les profondeurs de champ qui dérange la perspective et une alternance de fortes lumières et de recoins sombres au possible, le manichéisme jusque dans l'image. Les couleurs sont chaudes et feutrées et le temps semble suspendu avec quelques sursauts

La bande-son alterne habilement les mélodies sirupeuses et néanmoins envoûtantes d'Angelo Badalamenti et les passages exclusivement "sonores" (Lynch a eu son apogée dans les magnifiques Industrial Symphony et Eraserhead) qui, habilement mêlées à l'image, sont la signature Lynchienne par excellence.

Pour conclure il faut reconnaître qu'une fois de plus Lynch frappe fort avec ses angoisses et ses thèmes alambiqués et qu'à moins d'être fan, ce film s'adresse à un public d'avertis. Le néophyte sera probablement perdu dans les méandres d'une structure narrative peu explicite. Lynch use de ses propres codes et on vire presque à la psychose. Il faudra une bonne dose de courage, de patience et de réflexion au spectateur lambda pour apprécier ce film qui nécessitera plus d'un visionnage pour être assimilé.
Ghadzoeux
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le 5 mai 2010

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