00Sieste contre Rami Balek

(ALERTE SPOILERS : NE LISEZ PAS SI VOUS COMPTEZ VOUS INFLIGER CE TRUC)

J'en ai marre de passer beaucoup de temps à dézinguer des blockbusters nazes alors que je pourrais encenser mes coups de coeur, mais j'ai vraiment besoin de me passer les nerfs car je suis sorti de la séance énervé comme rarement.

Ça commençait pas si mal pourtant. Je dis bien "pas si mal" parce que très vite, on se rend compte que l'ADN du film (c'est de circonstance) tient plus du médiocre "Spectre" que du flamboyant "Skyfall". On ouvre avec un flashback assez bien réalisé sur le passé de Madeleine même si on comprend pas bien comment son agresseur a pu survivre à un chargeur vidé dans la poitrine. L'image est belle, la tension fonctionne, et y a "Wallace et Grommit" à la télé. On a vu pires entrées en matière. Retour dans le présent, en Italie, ou le couple Bond/Madeleine s'engage dans une course-poursuite avec les méchants du Spectre. C'est spectaculaire mais on sent déjà que tout ça est bien mécanique. On assiste à une "Bonderie" sans grande personnalité. Le couple est séparé par la paresse des scénaristes qui font de Bond un benêt et de Madeleine une femme supposément torturée qui cacherait à son compagnon un lourd passé. Jusqu'ici, on est au moins divertis. Et puis ça se gâte.

Parce que passés le générique et la chanson bien appréciable de Billie Eilish, plus rien n'a vraiment de sens. On a l'impression que les scénaristes improvisent le script au fur et à mesure que le film se déroule sous nos yeux.
J'ai pas vraiment la foi de détailler le bordel immonde qui fait office de scénario. On alterne globalement entre James Bond au bar (en Jamaïque, puis à Cuba), des scènes bavardes affligeantes de bêtise ou de niaiserie, des séquences de Call of Duty dans lesquelles James abat du méchant par paquets de douze au gros calibre, des blagues avec les copains (Q, M et la nouvelle 007), des tentatives d'explication pseudo scientifico-technologiques autour de l'ADN, de la romance niaise et rien ne fonctionne.
Parce que le problème de ce film, c'est qu'il n'a aucun ton. Il se veut moderne sur tout un paquet d'aspects, tente de donner une postérité à son personnage (par la relève de son matricule et sa paternité) mais ressemble à une parodie des films de l'ère Connery ou Moore. Le grand méchant campé par Rami Malek est ahurissant de ridicule et de nullité. Il tente vainement d'expliquer entre la poire et le fromage pourquoi il veut anéantir une partie de l'humanité mais son argumentaire est si dénué de sens que même l'acteur a du mal à le réciter. Il n'a aucun charisme, il n'intimide pas ni n'intrigue...ET IL EST EN ROBE DE CHAMBRE PUTAIN. Mais bon, il est tout balafré et a un accent bizarre, donc on a compris que c'était le méchant. Ah si, et il ose encore nous gratifier de la tirade de méchant la plus périmée de l'histoire à base de "nous ne sommes pas si différents...". Achevez moi.
Et puis la romance, donc. Craig et Seydoux n'ont aucune alchimie. C'était déjà un problème dans "Spectre" mais là on nous vend le grand amour, Bond découvre qu'il est papa, et le spectateur gêné ne peut qu'assister à ces niaiseries désarticulées, à cette tiédeur qu'on essaie de nous passer au micro-ondes.
Plus la séance avance et plus on essaie de se souvenir du nom du film qui est noté sur notre billet. Car ce 007 n'a ni panache, ni piquant, ni tension d'aucune sorte. C'est un mélo tantôt bourrin, tantôt chiant et mièvre, tantôt soutenu par un humour marvellisé embarrassant.
Les "POIN POIN" peu inspirés d'Hans Zimmer (quoi délègue maintenant une grosse partie de ses scores) achèvent de fondre cet opus dans la masse des blockbusters lambda. Et comme il n'est pas réalisé par Christopher Nolan, il ne peut même pas se cacher derrière un concept pseudo-scientifique pour sauver les meubles (oui "Tenet", je parle de toi).

Mais le vrai drame de tout ça, c'est que quand Bond meurt, c'est une pauvre marionnette fatiguée qui est soufflée par une pluie de missiles. Le Bond charismatique et ambigu était déjà mort depuis belle lurette et sa fin ressemble plus à une euthanasie qu'à une tragédie.

Voilà, j'arrive au bout de mon billet d'humeur et je me rends compte que je n'ai pas dit un mot sur la nouvelle agent 007 incarnée par Lashana Lynch, celle qui a fait couler tant d'encre. Eh ben le personnage est plutôt sympa et bien joué mais l'intérêt de toute l'entreprise est si loin sous le niveau de la mer que c'est dur d'avoir un avis plus poussé.

Alors pourquoi 4/10 et pas moins ? Je mets 2 points pour le pré-générique et la chanson. Et les 2 points restants sont pour Ana de Armas, éclatante dans son rôle de Paloma. Elle nous offre la meilleure scène de combat/gunfight du film et son personnage est vraiment bon, malgré le peu de temps qu'il a à l'écran. Faussement naïve, drôle et badass, Paloma éclipse le reste du cast en une quinzaine de minutes. Dommage qu'il reste encore une bonne heure et demie de film après son apparition.

"Mourir peut attendre" est un film fatigué. Des scénaristes aux acteurs, du compositeur aux spectateurs.
Quel dommage que Daniel Craig tire sa révérence ainsi, lui qui avait offert à la franchise deux de ses meilleurs opus.