Le pari de faire une satire de 2020 était risqué car l'année elle-même fut souvent plus délirante que ce que les humoristes ont essayé d'en faire. Pourtant, cela fonctionne, du moins en 1re partie. Brooker et ses 17 (!) co-scénaristes parviennent à exagérer ce qu'on pensait excessif, tout en restant hilarant.
Les one-liners du commentateur (épatant Laurence Fishburne qui en fait des caisses) fusent à un rythme effréné tandis que jeunes, vieux, roturiers, nobles, blancs, noirs, fachos, hommes et femmes de gauche et de droite se prennent des volées d'acide concentré non dilué. Il y a bien sûr un côté Black Mirror avec ses écrans agissant comme révélateurs de personnalité et délivrant autant le faux que le vrai. D'autant que le titre du mocku fait référence à un fameux épisode de Black Mirror (Hated in the Nation, 3.06). Mais on a plus l'impression d'entendre un stand-up de Brooker dans une de ses émissions style Screenwipe puis mis en images. Ce n'est pas déplaisant, le style Brooker marche à chaque fois et les facétieux réalisateurs s'en donnent à coeur joie avec des montages assassins et rigolards...
Malheureusement, Brooker se prend les pieds dans le tapis en consacrant les 40 dernières minutes (sur 70) uniquement à l'élection américaine. Certes, c'était l'évènement le plus concentré en bêtise humaine, mais aussi doué soit-il, Brooker ne peut rivaliser avec le Trumpisme et sa philosophie de la réalité alternative. Il s'en sort avec les honneurs, mais la satire brillante laisse place au commentaire descriptif. Même sailli de vannes, cela reste moins enthousiasmant et plus attendu. D'autant que beaucoup de choses se sont déroulées en 2020 qui sont donc passées sous silence (quid de l'explosion de Téhéran ?).
Brooker peut heureusement compter sur ses acteurs, qui se livrent à un furieux concours d'acting dans leurs commentaires acides et/ou à côté de la plaque. Entre l'ironie cinglante de Samuel Jackson, la wokerie hypocrite de Joe Keery, et la white trashitude de Diane Morgan, on est déjà dans du haut level. Mais Death to 2020 explose grâce à une battle de cabotinage entre les "intervenants" les plus allumés du show : Cristin Milloti joue une "Karen" en totale roue libre, Lisa Kudrow joue une éblouissante Phoebe passée du côté obscur en Trumpiste adepte de la post-vérité. Leslie Jones s'accapare les meilleurs dialogues et pour cause, son personnage de psychologue misanthrope est indéniablement Brooker lui-même qui se met en scène. Mais le prix de l'acting le plus pété revient sans doute à Hugh Grant en "historien" cuistre. Vieilli et blondi pour l'occasion, l'acteur décroche la lune dans un rôle à 10000 lieues de son ordinaire où il s'approprie tous les tics des "experts" type Fox News/BFM TV, mais en les passant au rasoir 20 lames.
Mort à 2020 réussit globalement son pari, entre répliques nitroglycérinées et intervenants dans leurs nuages, mais aurait gagné à se concentrer moins sur l'élection US. On attend déjà le sequel 2021.