
Je dois à Hayao Miyazaki mon passage à l’âge adulte. Il était temps, j’avais 35 ans. Ne vous méprenez pas, j’étais marié, père de famille et autonome financièrement. Seulement, ma vision du monde était manichéenne, formatée par une overdose de productions Disney. Mon monde se partageait entre les méchants – la mauvaise fée, le capitaine Crochet, les terroristes, dealers et percepteurs, je ne suis pas sûr pour les percepteurs – et les bons – Blanche Neige, Peter Pan, l’abbé Pierre et mes amis –.
Puis, vint la découverte, dérangeante, mais oh combien fascinante, de la complexité avec Le voyage de Chihiro, Porco Rosso et Princesse Mononoké. Pas de méchants dans ces histoires, mais des sorcières capricieuses, des divinités blessées, une guerrière féministe, autant d’adversaires coriaces aux motivations compréhensibles… Le Mal en prenait pour son grade. Le mal était en moi, en lui, en nous tous.
Je n’étais pas au bout de mes peines. Mes filles adorent Mon voisin Totoro. Non seulement le casting de ce dessin animé ne compte pas de « méchant », je m’y attendais, mais le scénario est dépourvu de combats, de quêtes… Rien à commenter… ou presque. Jugez par vous-même : afin de se rapprocher de leur mère malade, deux petites sœurs s’installent dans une veille maison, à la campagne. Nous les suivons dans la découverte de leur nouvel univers, les rizières et les potagers, les voisins et l’école, le gigantesque camphrier et ses habitants. C’est tout.
Il suffit que les crayons de Miyazaki animent deux petites filles pour que je « plonge » ! C’est fou. Les gamines courent, rient, font la roue, s’interpellent. La petite singe la grande. La grande protège la petite. Hier soir, au côté de Satsuki et Mei, j’ai « plongé » et retrouvé une âme d’enfant. J’ai crié dans le grenier pour exorciser ma peur. J’ai trotté dans la maison à la poursuite des noiraudes. J’ai ramassé des glands et des fleurs sauvages. J’ai joué avec la pluie. Miyazaki est un génie. J’ai rencontré Totoro. J’hésite à vous le décrire, vous allez vous moquer de moi. Totoro… et le chat-bus. Difficile à croire, je l’admets. Ne le répétez pas.
J’ai encore plongé…