Leone referme la porte du western spaghetti

Ce western a été conçu sur une idée de Sergio Leone qui s'est inspiré d'un fait divers réel (à partir de 1895, les journaux du Wyoming relatent les méfaits de la "horde sauvage", une bande de 150 bandits qui sèment la terreur dans la région). Leone écrit le scénario, produit le film et en confie la réalisation à Tonino Valerii qui fut son assistant sur Et pour quelques $ de plus et qui n'a pas oublié les leçons de son mentor en faisant en sorte que son film soit un hommage au maître du western spaghetti. Même s'il marche bien sur ses traces, on y retrouve le style indiscutable de Leone, le film porte sa signature, et certains critiques n'hésitent pas à le considérer comme un de ses films (sans doute à tort, car le travail de Valerii est quand même là).
Il est vrai que Leone s'est pas mal investi dedans, au point qu'il n'oublie pas d'insérer ses références cinématographiques, notamment celles à Sam Peckinpah dont le nom figure sur la tombe d'un cimetière indien, et aussi avec la horde sauvage... sans compter qu'il a supervisé de près le tournage en Espagne et aux Etats-Unis, et dirigé la seconde équipe afin d'en accélérer les délais. Les scènes qu'il a personnellement dirigées sont celles des urinoirs publics et du concours de verres et de gifles dans le saloon, où Terence Hill s'amuse comme un petit fou, une longue séquence, très drôle qui nécessita une semaine de tournage. Ces scènes ajoutées à celles du mannequin en bois et bien d'autres, accentuent le caractère parodique voulu pour le film qui marque avant tout la confrontation de 2 styles et de 2 types d'acteurs : le jeune traine-savate joué par Terence Hill, vedette de la série des Trinita, westerns humoristiques d'un niveau inférieur mais plaisant, et Henry Fonda, vieux routier du western hollywoodien, qui a refait confiance à Leone après avoir gardé un bon souvenir de Il était une fois dans l'Ouest. Les 2 acteurs se rencontrent de façon amusante en se provoquant ou en s'admirant dans une ambiance assez gaguesque, au détour de dialogues typiques de Leone ("Qui es-tu ? Moi ? Personne ! Alors deviens d'abord quelqu'un..."). Fonda traverse le décor avec un mélange de sympathie et de malice, tandis que Hill force un peu le ton comme il se doit dans un western italien, c'est visible surtout dans la scène de l'écurie du vieux cowboy, où Leone y glisse encore un petit vieux rigolo. Là-dessus, le maestro Morricone vous concocte des morceaux qui restent encore dans la mémoire, comme cette charge de la horde sauvage sur la chevauchée des Walkyries, ou le duel final sur un air qui rappelle fortement celui de Il était une fois dans l'Ouest.
On retrouve quelques éléments caractéristiques du style de Leone comme la lenteur de l'action, perceptible surtout dans la scène chez le barbier au début, rythmée par le tic-tac d'un vieux réveil morriconien ; le film est un hommage parodique qui pousse parfois un peu trop le comique, ça peut déranger certains puristes, mais Mon nom est Personne est un western réussi et réjouissant parce qu'il y a Sergio Leone derrière, sans vouloir minimiser le travail de Valerii ; en même temps, il sonne le glas du genre en Italie, 1973 marquant l'essoufflement du western spaghetti.

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le 22 août 2016

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Ugly

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