C’était dangereux les années 90 pour les sportives de haut niveau, après Monica Seles poignardée en plein match, Nancy Kerrigan se faisait agresser à la barre de fer.
D’ailleurs les deux affaires ont tellement marqué à l’époque qu’aujourd’hui on a tendance à les confondre.
Dans tous les cas, on retient qu’il faut associer Nancy Kerringan et Tonya Harding, et souvent on fini par croire que la seconde a poignardé la première.
La preuve qu’on ne retient que ce qu’on veut.
Le premier intérêt du film est donc de remettre l’église au milieu du village.
Enfin presque, parce que ce dont on se rend compte dès le panneau d’introduction, c’est que le film lui-même doute des témoignages surréalistes sur lesquels il se base.
Alors plutôt que servir une biographie classique, I Tonya s’adapte à son sujet et propose un savant mélange d’interviews et de flash backs visant à montrer à quel point l’univers de la famille Harding pouvait être rock n’roll.
On comprend que chaque passage n’est que le récit d’une personne, et la seule chose dont on peut être certain, c’est que les compétitions et leurs résultats sont bien retranscrits.
Le soucis du détail et la réalisation dynamique sont d’ailleurs époustouflants sur les passages sur glace et contrastent avec le ton résolument absurde du long métrage.
C’est comme si le réalisateur nous montrait que oui il sait reconstituer, qu’il s’est démené à recréer une époque, mais qu’il nous propose plus que ça, un regard de biais dans l’histoire, un film qui s’éloigne des biographies façon cartes postales.
Passer par l’interview post scandale permet de cerner les personnages et leurs folies respectives tout en les découvrant plus jeunes et tout aussi névrosés. Le parallèle entre ce qu’ils sont et ont été donne un vrai plus à la narration.
Surtout, voir Tonya grandir, briller, se battre pour être techniquement la meilleure, se prendre des coups de tous les côtés, et savoir qu’elle ne patine pas vers un avenir brillant, ça nous la rend sympathique alors même qu’on pourrait croire qu’elle n’est pas tout à fait innocente.
Même si elle avait su quelque chose, même si elle avait plus ou moins validé l’agression, le film ne l’excuse pas mais nous aide à comprendre la position de cette jeune femme sans arrêt rabaissée.
L’ultime affront, c’est quand on fouille au delà du film et qu’on se rend compte que selon plusieurs spécialistes le vrai drame de Tonya, c’est qu’elle ne renvoyait pas la bonne image, qu’elle aurait pu gagner toutes les compétitions du monde, on ne lui aurait jamais offert une couverture médiatique et publicitaire digne des plus grandes championnes comme l’amérique aime les célébrer.
Tonya c’est celle dont on ne voulait pas parce qu’elle ne renvoyait pas la bonne lumière, qu’elle n’était pas assez lisse: on aime les succès story mais à condition qu’elles flattent l’égo du pays.
Tonya mise en avant, c’était tout son milieu withe trash qui se révèlait, et ça aux JO ce n’est pas convenable pour la première puissance mondiale.
I, Tonya offre donc plus que le portrait sans doute faussé d’un individu et de ses apparitions médiatiques, c’est avant tout un focus sur une Amérique qu’on connait peu.
Le tout sur fond de scandale dans un sport qui n’en manque pas et qui lui-même entretien la culture de l’apparence et des sourires figés pour cacher humiliations et coups bas.
Tonya c’est celle qui peut-être malgrè elle a montré qu’être excellente technicienne ne suffisait pas, ni pour les juges ni pour les sponsors, ni pour le public.
Mine de rien elle a dynamité à la fois la belle image des USA et du patinage.
Une fois qu’on sort du film on comprend que son sujet était une évidence, on se demande même comment on a pu y échapper jusque là, et on est content d’avoir pu le découvrir enfin, et on a une pensée pour celle qui l’a inspiré et à la championne qu’elle aurait pu être en étant mieux considérée.