Tim Burton est un cinéaste qui a indubitablement perdu son mojo il y a plusieurs années. Le passage au 21ème siècle ne lui a pas réussi même si il a su offrir ici et là des œuvres qui valent le détour, il a souvent fait plonger sa carrière vers le médiocre au point de passer pour la caricature de lui-même. Néanmoins, il semblait retrouver un semblant de consistance dans son dernier film, Big Eyes sorti en 2014. Il changeait un peu de style mais renouait avec ses thématiques les plus chères pour une oeuvre certes plus classique mais plus sincère. Une véritable réflexion sur l'art et la créativité qui venait interrogé le cœur même de son cinéma. Une sorte de prise de conscience bénéfique qui ne pouvait que promettre un avenir radieux. De quoi attendre ce Miss Peregrine's Home for Peculiar Children avec une certaine impatience.


La réussite tant attendue ne sera pas ici au final, même si le principal problème viendra avant tout d'un scénario bien trop hollywoodien plus que le style de Burton en lui-même. L'écriture est terriblement classique, usant à peu près tout les clichés des films young adults, se qui lui donne un côté prévisible et déjà-vu. Car malgré un univers assez original, la manière de le traiter se révèle sans fantaisie, le tout parait légèrement trop froid et distant par rapport à ce qu'il essaye de montrer et on ne ressens aucun émerveillement. C'est d'autant plus dommage car il possède des personnages relativement attachants et surtout le film excelle dans sa manière de parvenir à leurs offrir à tous leurs petits moments. Au final, malgré le nombre assez important d'enfants particuliers, le récit parvient à les faire cohabiter sans en laisser un de côté, chose que beaucoup de films de groupe échoue à faire. Chacun à sa fonction et chacun marque à sa façon car en plus d'être attachants, on retrouve ce regard très empathique de Burton pour les freaks lui permettant d'être très attentionné dans sa manière de gérer ses personnages. On aurait pas contre aimé en dire autant pour les méchants de l'histoire, très caricaturaux et avec un leader bien trop loufoque pour être pris au sérieux. Le tout manque finalement d'enjeux car il peine à trouver une menace palpable malgré quelques tentatives intéressantes. Après cela n'est pas aidé par le casting, car même si Samuel L. Jackson est un acteur d'exception, il est bien trop cabotin et dans le second degré pour donner une dimension terrifiante à son personnage. Par contre, il faut reconnaître qu'il amuse beaucoup même si ça n'aurait pas dû être sa fonction. Sinon le reste des acteurs sont bons, même si les performances ne se bousculent pas, ils font tous un travail convenable, surtout Eva Green qui s'inscrit parfaitement dans l'univers burtonnien.


Le film vaut avant tout pour son visuel, même si certains effets spéciaux sont assez ratés, il y a un travail assez exemplaire sur l'ambiance et la direction artistique. Aidé par une photographie somptueuse, le tout part vers des fulgurances expressionnistes assez emballantes, chose qui faisait la force des films de Burton mais qu'il semblait avoir perdu il y a quelques temps. On retrouve son obsession de la banlieue déshumanisé malgré son aspect très chatoyant et on retrouve ses vieilles obsessions horrifiques, entre le mythe de Frankenstein avec les jouets d'un des enfants et une séquence d'expérience bien fichue ou alors la forêt oppressive et hantée comme lorsque le héros découvre l’agression sur son grand père au début du film. Une scène à l'atmosphère délicieuse et habilement mise en scène. On retrouve même une référence direct à Sleepy Hollow avec le design si particulier du méchant qui renvoie à celui du cavalier sans tête. Tim Burton se fait donc plaisir avec une mise en scène bien plus proche de ce qu'il avait l'habitude de faire, il distille une ambiance plus malsaine par moments, parfois même proche d'un glauque jubilatoire. Après il s'appuie un peu trop sur des effets déjà-vu, comme le plan du bombardement qui manque d'inventivité ou encore la séquence du bateau qui émerge hors de l'eau qui est devenu un des grands classiques hollywoodien. On pourra même lui reprocher un climax mou et qui sonne très faux surtout avec ses effets spéciaux assez hideux et une sélection musical qui ne correspond pas à la scène. L'absence de Danny Elfman se fait ressentir, la bande originale du film étant très convenue.


Miss Peregrine's Home for Peculiar Children est donc un film inégal mais plaisant. Même si son récit ne passionnera guère par manque d'enjeux et des situations trop ancrée dans le cahier des charges hollywoodien, il faut reconnaître que c'est l'oeuvre qui possède les plus belles fulgurances burtonniennes de ces 10 dernières années. Il apparaît ici moins comme sa propre caricature et il arrive sans trop de mal à imposer une patte salvatrice à son film qui s'extirpe du tout venant. Il renoue avec ce qu'il faisait de mieux, tout en retrouvant la sincérité de ses débuts, surtout dans sa manière très touchante de porter un regard sur le freak. Donc même si ses fulgurances se font encore rares par rapport aux rouages traditionnelles du film moderne, il faut reconnaître qu'il fait un pas vers la bonne direction conférant tout son charme au film. Un charme limité mais bel et bien présent.

Frédéric_Perrinot
6

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le 17 oct. 2016

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