Woody et Paris: le pouvoir de l’évasion à son apogée !

Que pouvait-il résulter d’autre de la rencontre entre Woody Allen et la ville lumière, cadre de ce 42ème long-métrage de son imposante filmographie si ce n’est une explosion d’émotions et de couleurs ?!


Je n’irais pas par quatre chemins en affirmant qu’à mes yeux, avec «Minuit à Paris », Woody a réussi à s’approcher de très près du chef d’oeuvre. Pour moi, pour avoir, à l’heure où j’écris cette critique, vu une dizaine de longs métrages du bonhomme (ce qui n’est pas si énorme sur bientôt 50 longs-métrage, avec le prochain « Rifkin’s Festival » qui est encore à dater ^⁾, «Minuit à Paris » m’est apparu (et continue de m’apparaître, au file de la découverte d’autres de ses films) comme l’apogée du cinéma de Woody Allen, sa forme ultime, la plus complète, la plus parfaite !


Owen Wilson marche sur les rives de la Seine, dans la nuit, au beau milieu d’une affiche où l’esthétique picturale d’aquarelles et autres styles impressionnistes se dispute l’image avec le décor en prises de vues réelles. Outre le fait d’être une œuvre d’Art à part entière en elle-même, indépendamment du film qu’elle représente, l’affiche de «Minuit à Paris » cristallise d’ors et déjà tout le programme thématique « Allenien » et la force d’enchantement du film.


Car c’est ce qu’est « Minuit à Paris »: un pur enchantement, flirtant délicieusement avec le Conte.
En l’espace d’1h40, le réalisateur de «Annie Hall » (1977) et « Match Point » (2005) nous invite à épouser tout le charme et la culture artistique de la capitale Française en nous partageant sa vision fantasmée et élogieuse de la vie de Bohème; l’idéal et l’élégance de la France des années folles.
Woody Allen est un névrosé dépressif au tempérament profondément dépressif de nature. On connaît le réalisateur pour être attaché à sa ville natale de New York, chère à son coeur. Une ville de New York, où par le passé, dans ses productions antérieures, celui-ci a pourtant cherché l’évasion à travers l’art et l’amour pour échapper à un quotidien morose.
De base, chez Allen, il y a toujours cette recherche du bonheur, ce motif de « fuite » dans des mondes et/où des sentiments, à travers la rencontre avec l’autre. Les films les plus intéressants d’Allen sont alors ceux qui, de base, proposent d’ors et déjà une « recherche d’évasion » du réalisateur...avant même la quête d’évasion du personnage dans le film.


«Minuit à Paris » est de ceux là, comme on pourrait citer « Vicky Cristina Barcelona »(2008) dans la même veine. Le fait de sortir de New York, d’abord avec l’Espagne dans le film de 2008, puis avec Paris dans le présent long-métrage, est déjà la marque d’une recherche d’évasion de notre Woody, désireux de vivre quelque chose de plus qu’à l’ordinaire.
Dès lors, « Minuit à Paris » pose comme formidable postulat de départ, le prisme de la double lecture.


La grande réussite de ce film est d’avoir réussi à nous faire voyager, à nous faire nous émerveiller, nous Français, de notre propre patrimoine culturel. En posant sa caméra dans les boulevard de Paris, le réalisateur nous fait voyager en nous invitant à l’identification au personnage de Gil Pender (Owen Wilson), lui même un avatar dans la fiction du réalisateur.

Le rêve, la fiction, l’amour, le fantasme, le voyage temporel, Woody Allen s’empare de tout ça pour nous inviter à partager son propre fantasme d’évasion dans la ville de la Tour Eiffel avec bien sûr toutes les « balises » connues de son cinéma.
Le titre nous met d’ailleurs la puce à l’oreille, on pense alors directement à «Cendrillon » qui, transformée en princesse scintillante, doit revenir avant le douzième coup de minuit avant que son carrosse ne redevienne citrouille. Ici, dans un registre non moins fantastique, Allen utilise cette « magie » lié à la nuit, (et au songe, en lien logique) pour faire traverser les époques à son héros de scénariste névrosé.


Le fantastique n’est pas un ressort courant chez Woody Allen, pourtant, dans « Minuit à Paris », le voyage dans le temps ne fait absolument pas tâche. Le réalisateur a su rester droit et garder le cap; fidèle à ses obsessions. C’est justement en mettant cette dimension fantastique « silencieuse » au service du caractère de son protagoniste en pleine crise existentielle que le fantastique va développer toute sa puissance. Il rend la dépression du personnage poétique car il fait parti intégrante de la psychologie de Gil. Le personnage, mal dans sa vie et dans son couple, recherche l’excitation et le dépaysement. Le dépaysement, c’est dans un Paris nocturne, 90 ans plus tôt qu’il le trouve, aux côtés d’artistes, musiciens, écrivains, peintres et autres cinéastes.


L’évasion de Gil Pender (Owen Wilson) dans le Paris des années 1920 n’est pas différent du souhait d’évasion de Cécilia (Mia Farrow) dans « La rose pourpre du Caire » (1985).
Mais là ou dans le film de 1985, le personnage de la fiction quittait l’écran de cinéma (son monde « fictif ») pour venir dans le réel du personnage féminin principal, le renversement se fait cette fois dans le sens inverse. C’est la fiction qui invite le protagoniste joué par Owen Wilson à passer la frontière.
A l’inverse de « La Rose pourpre du Caire » où le monde de la fiction n’existe pas (nous restons constamment dans sa contemplation, à l’extérieur de l’écran du film en noir et blanc), dans «Minuit à Paris », la délimitation des frontière entre le réel et le monde imaginaire est bien plus floue.


Tout le film repose sur cette confrontation/hésitation de la frontière entre La fiction-Imaginaire et de la réalité (tout en faisant l’éloge de l’imagination). La réussite de la mise en scène de cette dualité trouve vient aussi du plan technique.
Techniquement, «Minuit à Paris » est un véritable régal. La caméra de Woody Allen est constamment au service d’un jeu de superposition fiction/réel, parvenant tantôt à les unir, tantôt à les opposer. J’ai rarement vu un film réussir aussi bien à nous faire nous questionner sur la perception de la réalité, dans le bon sens du terme. Ce que Allen veut faire avec sa caméra, c’est nous faire nous imprégner des lieux, stimuler notre imaginaire et nous faire comprendre que la réalité nourri tout aussi bien la fiction que l’inverse.


En partant du principe que nous sommes au cinéma, donc devant une simulation de la vie (devant du «faux» et du «passé»), Woody Allen nous prépare à la fiction.
A l’image de l’affiche du film, le générique d’ouverture de «Minuit à Paris » vient poser sur la table toutes les clés de la dualité/complémentarité fiction/réalité.
Le générique d’ouverture n’est composé que de plans d’ensemble en caméra fixe de la capitale Française. Cette simplicité dans la manière de capturer les différents instants présents de la ville révèle pourtant un paradoxe. Sous leurs airs de cartes postales, (donc des photos), les images prises par la caméra de Woody sont pourtant des images de fiction (car ce sont des images du film). Pourtant, dans le film, l’univers de la « fiction » correspond au monde nocturne, là ou l’on pourrait dans ce cas, associer le monde diurne de la réalité (quasiment du documentaire ^^).
On ne sait pas de qui la caméra épouse le regard au cours du générique d’ouverture, celui de Woody Allen – réalisateur, ou bien celui de Gil Pender – personnage dans le film (?). Mais les deux sont liés par la même chose: ils recherchent l’évasion dans la fiction. A la fin du générique, la nuit tombe dans les images et en fond extra-diégétique, les 12 coups de minuit. Voilà, la véritable « recherche de la fiction dans la fiction peut commencer .
C’est un exemple parmi tant d’autres.


Pour conclure (bravo à ceux qui ont réussi à suivre ce bazar théorique monstre ^^): « Minuit à Paris » de Woody Allen est une immense réussite. Un film contenant à 100 % l’ADN du cinéma poético-dépressif du réalisateur américain. Pour moi, ce film est sa plus grande réussite, aussi bien au niveau de l’ambiance qu’au niveau de la technique. Véritable coup de coeur pour ce conte fantastique moderne faisant de Paris une ville fantastique….c’est le cas de le dire x).

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le 4 oct. 2020

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L_Otaku_Sensei

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