Les premières minutes semblent échappées d'un conte de fées perverti, comme si Raiponce s'était jetée du sommet de la tour où elle était prisonnière, désenchantée par un destin promis loin d'être heureux. Avant que le générique introductif ne reprenne, a priori, le travail de Fincher, tout en dérivant lentement, vers Ghost in the Shell ou encore le style typiquement bondien.


Tout est résumé en ces quelques minutes, achevées par une expédition punitive d'une justicière plus émo que punk rock. Millénium : Ce qui ne me tue pas est une suite qui se voudrait directe mais qui mute sous le poids du cahier des charges de l' entertainment. Au point que le film oscille constamment entre les morceaux d'action que pourrait proposer un Mission : Impossible, le techno thriller, le Bourne like et le retour aux sources du James Bond période Daniel Craig, dont le final de Skyfall sera réinterprété.


Ainsi, l'enquête ample, la fouille d'archives et le déchiffrage de la réalité grise orchestrée par David Fincher dans Les Hommes qui n'Aimaient pas les Femmes sera passée carrément sous l'éteignoir dans le script de cette suite. Réduite à la portion congrue et vite zappée, virant carrément le personnage, transparent, de Mickael Blomkvist de l'écran, le nouveau Millénium abandonne vite ce nez rouge pour révéler sa véritable nature : une franchise d'action fantasmée par Sony et uniquement portée par sa figure la plus immédiatement identifiable et typée.


Car Lisbeth Salander est de tous les plans, se débattant dans les remugles de son passé et de son héritage familial empoisonné. Une Lisbeth dont la complexité semble lissée, transformée soudainement en justicière, humanisée dans sa confrontation fratricide entre rouge et noir qui, si elle est intéressante dans son imagerie et son embryon de sous-texte, ne fait pourtant qu'effleurer le personnage principal d'une intrigue des plus classiques qui n'aurait peut être même pas dû s'appeler Millénium.


Mais si le spectateur indulgent fait l'effort de s'affranchir du passé Fincher, des livres et des adaptations ciné made in Sweden, Millénium : Ce qui ne me tue pas passera comme une lettre à la poste et le distraira sans aucune difficulté au rythme d'un scénario TGV déjà mille fois vu avançant beaucoup plus par l'image que par les dialogues. D'autant plus que le réalisateur, Fede Alvarez, se fend de quelques gâteries tout à fait goutues et d'une maîtrise certaine de ses compositions. Familier, certes, parfois animé de quelques grosses ficelles, à l'évidence, Ce qui ne me tue pas remplira pourtant avec facilité son office de divertissement ultra codifié d'une efficacité des plus évidentes à l'écran. Cependant à des kilomètres de la dépression instillée par David Fincher.


Et ce, même si la question mérite d'être posée. Celle de s'appeler Millénium alors même qu'il faut faire abstraction des bouquins et des films précédents pour ne pas râler comme les gardiens du temple l'ont certainement fait en sortant de la salle. Car si l'ambiance glaciale et grise est toujours là, si la neige tombe et ceinture les décors de cette nouvelle aventure, quelque chose n'est définitivement plus là.


De là à parler d'identité...


Behind_the_Mask, ♫ Red, red, red, sous sa petite laine...♪

Behind_the_Mask
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Une année au cinéma : 2018

Créée

le 19 nov. 2018

Critique lue 1.8K fois

18 j'aime

8 commentaires

Behind_the_Mask

Écrit par

Critique lue 1.8K fois

18
8

D'autres avis sur Millénium - Ce qui ne me tue pas

Millénium - Ce qui ne me tue pas
Bastral
3

Millénium : Ce qui ne marche pas

Difficile de parler d’une suite au Millenium de Fincher. Le réalisateur (Fede Alvarez), les scénaristes, les acteurs, le compositeur, le chef op… sont tous différents ! En plus, il n’adapte même pas...

le 16 nov. 2018

17 j'aime

3

Millénium - Ce qui ne me tue pas
Thibault_du_Verne
5

MILLENIUM : CE QUI NE ME TUE PAS – 10/20

A la lecture du roman, il était évident que ce quatrième opus de la série Millenium (le premier qui ne soit pas écrit par Stieg Larsson) avait été écrit pour le cinéma. Plus direct et moins cérébral...

le 9 nov. 2018

10 j'aime

3

Millénium - Ce qui ne me tue pas
Selenie
4

Critique de Millénium - Ce qui ne me tue pas par Selenie

Blomkvist manque de présence et semble trop jeune, tandis que Lisbeth Salander a une apparence trop "sage" et "classique", d'une gothique pink on arrive soudain à une simple motarde... Outre le fond...

le 16 nov. 2018

7 j'aime

1

Du même critique

Avengers: Infinity War
Behind_the_Mask
10

On s'était dit rendez vous dans dix ans...

Le succès tient à peu de choses, parfois. C'était il y a dix ans. Un réalisateur et un acteur charismatique, dont les traits ont servi de support dans les pages Marvel en version Ultimates. Un éclat...

le 25 avr. 2018

204 j'aime

54

Star Wars - Les Derniers Jedi
Behind_the_Mask
7

Mauvaise foi nocturne

˗ Dis Luke ! ˗ ... ˗ Hé ! Luke... ˗ ... ˗ Dis Luke, c'est quoi la Force ? ˗ TA GUEULE ! Laisse-moi tranquille ! ˗ Mais... Mais... Luke, je suis ton padawan ? ˗ Pfff... La Force. Vous commencez à tous...

le 13 déc. 2017

189 j'aime

37

Logan
Behind_the_Mask
8

Le vieil homme et l'enfant

Le corps ne suit plus. Il est haletant, en souffrance, cassé. Il reste parfois assommé, fourbu, sous les coups de ses adversaires. Chaque geste lui coûte et semble de plus en plus lourd. Ses plaies,...

le 2 mars 2017

181 j'aime

23