Après avoir été révélé avec son premier long-métrage, Hérédité, Ari Aster est de retour pour un projet aux antipodes du précédent. La lumière fait place aux ténèbres, mais l’horreur est toujours au rendez-vous.


Les retours dithyrambiques et la promesse d'une expérience éprouvante avaient de quoi attiser notre curiosité.


Dès les premiers instants, l'auteur nous rappelle que, tout autant que l'aspect narratif, la mise en scène et le montage contribuent à construire une histoire et surtout une ambiance.La scène retraçant la découverte des corps de la famille de Dani en est le parfait exemple. Les situations précédentes jouent autant sur l’interprétation de la jeune femme que celle de son compagnon. L’exploration du funeste habitat sonne donc comme une sentence aussi envoûtante, dans les mouvements de caméra opérés, que morbide, de par situation décrite.


Ainsi, ce découpage impeccable, et implacable, nous permet d'appréhender rapidement les relations au sein du groupe, les motivations de l'excursion en Suède et les personnalités de chacun. De même, la construction, de ce préambule au récit, permet de générer énormément d’empathie envers les différents protagonistes.


De ce fait, on suit aisément la préparation du voyage et sa mise en œuvre avec, pour résultat, une stimulation constante mu par la volonté de découvrir jusqu’où le réalisateur va nous emmener.


Le film peut se scinder en deux parties.
Dans un premier temps, le récit enchaîne les moments clé. Suite au trajet, nous découvrons le nouvel environnement. Les situations sont parfois ponctuées de micro-incidents permettant de développer les protagonistes. On apprend, en même temps que le groupe, le fonctionnement de la communauté, leur mode de vie, leur philosophie, …S’ensuit le moment de bascule : la falaise, le cérémonial et l’horreur.Le second temps a pour but de donner une vue d’ensemble sur les fragments d’informations récoltés ci et là, au gré des interactions entre les autochtones et les touristes. On comprend le rôle de chacun et on anticipe, trop, facilement la trajectoire des victimes potentielles.


Le problème de Midsommar réside dans sa seconde moitié.
En effet, là où on s’attend à des prises de positions radicales, en provenance du groupe, motivées par un instinct de survie, on assiste, ici, à une passivité, quasi générale, de ces individus. Ari Aster justifie ses choix, principalement, en les reposant sur des enjeux d’universitaires. Certes, l’auteur peut se permettre d’opérer ainsi de par la construction de sa première moitié. Pour autant, il est difficile de croire à ses partis-pris.Les êtres deviennent beaucoup trop spectateurs des évènements qui suivent, comme résigné à leur sort, sans avoir essayé, un tant soit peu, de s’en extraire.


Pire, en éludant certaines situations, principalement la mise à mort des membres du groupe, l’œuvre loupe des instants essentiels pour conforter l'empathie ressentie envers les divers protagonistes. En les occultant, on se désintéresse de leur sort, on les relègue en tant que simples sujets de discussions pour les interactions futures.Nous perdons aussi une partie des connaissances sur la communauté. Leur vie étant cadencée par divers rituels, ceux relatifs à la Mort sont tout autant nécessaire. Ils auraient été intéressants de comprendre le sens de leur mort bien au-delà de l'explication expéditive finale.


En somme, le dernier effort d’Ari Aster est formellement irréprochable. Par contre, son évolution narrative douteuse empêche à l’ensemble d’offrir l’expérience éprouvante tant promise. Midsommar est donc un voyage à effectuer et qui, en fonction de vos bagages sensitifs, vous ferons vivre une simple randonnée champêtre ou une excursion, par temps caniculaire, dans des paysages escarpés.

tzamety
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le 21 août 2019

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tzamety

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