Mickey et le haricot magique
6.7
Mickey et le haricot magique

Court-métrage d'animation de Hamilton Luske et Bill Roberts (1947)

[Petite précision : j'ai vu la version de 1963 et non pas celle, originale, de 1947, intégrée dans Coquin de printemps !]


Bon, ce dessin animé Disney de la seconde moitié des années 1940 (période particulièrement creuse pour le studio qui ne renaîtra réellement qu'au début de la décennie suivante avec le succès monstre de Cendrillon !) est selon moi un ratage. Un ratage d'autant plus regrettable qu'il y avait en plus de la matière pour accoucher d'un truc très bon.


Alors, lors du début, il y a d'abord l'inutile introduction avec le canard professeur Ludwig Von Drake et un insecte énervant, que j'ai eu envie d'écraser à chaque seconde tellement il n'arrête pas de répéter "J'y crois !", comme si c'était un putain de running-gag efficace. Oh là là, je ne me suis jamais autant marré que depuis le jour où je me suis coincé un doigt dans une porte. Une simple voix-off sobre pour mettre en relief le contexte aurait suffi et on n'aurait pas perdu des minutes précieuses sur les trente au total.


Bon, ça commence enfin. Putain... enfin... C'est une vallée joyeuse avec une femme-harpe d'or qui chante et qui constitue la présence magique permettant d'avoir une nature aussi luxuriante, des récoltes aussi riches et une atmosphère pleine de joie de vivre. Mais une méchante ombre géante vole la harpe et la vallée tombe dans la famine et la sécheresse les plus complètes. OK... Trois paysans, Mickey, Donald et Dingo crèvent la dalle et n'ont plus qu'une vache que le canard du trio essaye de tuer dans un moment de désespoir pour remplir son estomac. Moment sombre efficace. OK...


Ellipse, Mickey revient à la maison, après avoir vendu la vache contre de pauvres haricots. Ce qui rend vénère Donald (ce qui est compréhensible !) qui jette violemment les légumes secs dans un trou sur le sol. La situation n'est pas exploitée plus loin alors que... merde... c'est un moment lors duquel une opposition entre les personnages auraient dû se créer.


Ellipse, visiblement la faim n'empêche pas de dormir d'un sain sommeil bien profond. Seule véritable scène inspirée sachant prendre son temps, la pousse des haricots en une tige géante se dirigeant vers le ciel et emportant nos trois héros qui ne se réveillent pas et qui sont souvent mis en danger par rapport au fait qu'ils puissent tomber dans le vide à tout instant. C'est intense, car, tout en sachant très bien qu'il ne peut rien arriver de mal aux protagonistes, on ne peut pas s'empêcher d'angoisser pour eux. Pourquoi le reste ne sait pas prendre autant son temps, bordel ?


Ellipse, les compères sont tout en haut du ciel, voient le château du géant et se dirigent joyeusement vers celui-ci... Euh... stop... il n'aurait pas été plus pertinent de montrer d'abord leur réaction à leur réveil, leur étonnement quant au fait d'atterrir là où ils sont. Parce que là, il leur arrive une chose extraordinaire (même en partant du principe que l'on vit dans un monde merveilleux !) et chacun est en mode "normal, je m'en bats les couilles". Comment on peut s'identifier à eux dans ce cas si on ne les voit pas exprimer les mêmes émotions que les spectateurs lors de ce tournant du récit pourtant essentiel ?


Bon, ils finissent sur la table du château du géant, avec une nourriture abondante posée dessus. La réaction normale des personnages, minés par la faim, aurait été qu'ils se jettent vitesse grand V sur la première chose qu'il leur tombe sous la main. Pas du tout, à la place, on a deux minutes sur l'interminable gag, aussi drôle qu'une veillée funèbre, de Dingo bondissant sur un gros morceau de gelée... Encore s'il essayait de le bouffer tout en rebondissant, cela aurait été cohérent avec sa situation stomacale. Mais non...


Oh, mais c'est la femme-harpe d'or qui est prisonnière... ce qui n'a l'air de ne surprendre personne. Il n'y a aucun temps pour creuser un minimum les relations entre les quatre personnages alors que ça aurait pu apporter un ajout de dynamique formidable. La femme-harpe d'or aide quand même, à un instant précis, les trois zigotos pour contrer le géant. OK. Ce dernier est capable de se transformer en tout ce qu'il veut. Très bien. Mickey essaye de ruser avec cela à une reprise. OK. Mais cet aspect de l'antagoniste n'est plus du tout exploité par la suite. Alors qu'il aurait pu insuffler son lot d'imprévisibilité et d'angoisse à l'atmosphère (parce que c'est vraiment un pouvoir dangereux et redoutable !), notamment lors de la poursuite finale... mais non, ça ne sert qu'à une seule scène et c'est tout, comme si ce pouvoir n'existait plus ensuite par la magie de la négligence scénaristique... mais bon Dieu, le potentiel que ça avait...


Je passe vite. C'est la fuite avec la poursuite. Jusqu'ici, Donald et Dingo n'ont en rien aidé (même avec leur maladresse habituelle !) Mickey et la femme-harpe d'or. Dommage, c'est déplorable de laisser de côté le potentiel de personnages aussi fameux, charismatiques et drôles. Enfin, ils scient tout de même la tige du haricot pour sauver Mickey du géant et se débarrasser de cet être nocif. Attends... comment ils ont pu descendre aussi vite alors que la tige était incroyablement immense... oh, va te faire foutre, la logique... Et une fois, en bas de la tige, où est passée la femme-harpe d'or ?


Bon, après tout ça, il est logique de conclure, le temps des minutes restantes, sur la vallée retrouvant de sa superbe d'antan, sur les protagonistes redevenant joyeux pour donner une fin émotionnellement forte et satisfaisante... Ah bah non, le tout ne montre pas du tout cela, mais à la place, on a cet insupportable insecte accompagnant le professeur Ludwig Van Drake qui chiale, car le géant en chutant de la tige sciée serait mort... Oh que c'est trop triste que ce personnage meure. Ce n'est pas comme s'il avait provoqué une famine et une sécheresse pour la raison que c'est un gros connard égoïste, s'en branlant complètement d'avoir tué beaucoup de personnes ou d'en avoir peut-être poussé d'autres à l'exil à cause de ses agissements, sans parler de la destruction de presque toute vie animale et l'anéantissement de toute existence végétale. Euh, on est censé sympathiser avec un criminel de masse ? Ah bah, bonne nouvelle, le criminel de masse est toujours vivant en fait et cherche Mickey à Hollywood... Ce qui sort d'absolument nulle part. Mais c'est quoi cette fin à la con ? Vous avez fumé quoi les gars ?


Bon, sans l'intro et la conclusion inutiles avec Ludwig Von Drake et l'autre abruti d'insecte qui ressent de la pitié pour les criminels de masse, sans le fait que le méchant (caractérisé comme s'il devait être quelqu'un inspirant la sympathie !) qui méritait de crever est toujours vivant, sans quelques ellipses dommageables, avec le plein potentiel de tous les personnages exploité à fond, avec toutes les situations présentées bien approfondies, y compris dans les interactions, avec une fin présentant une résurrection, créant ainsi un contrepoint puissant avec la destruction du début, ça aurait pu accoucher d'un ensemble solide et efficace.

Plume231
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le 23 déc. 2022

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Plume231

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