
Dès l’ouverture de Metropolis, le spectateur est plongé dans le rouage infernal de la mécanique des machines qui fonctionnent à toute allure, de l’aiguille des horloges qui mesurent le temps par 10 et non 12h, de la vapeur qui crache à plein tube. Puis le rythme se ralentit : des hommes s’avancent en troupeau lentement et lourdement dans un sens et dans un autre. Têtes baissées, ils forment un groupe informe, dépersonnalisé. Ils sont les rouages humains de la ville, les travailleurs anonymes et besogneux, ceux qui font tourner le monstre mécanique. Ils habitent la ville basse, souterraine, tandis qu’à la surface vivent les dirigeants dans l’insouciance, le luxe, les jeux, la beauté féeriques des jardins. Nous sommes en 2026, au cœur d’une société dystopique…
Mais il suffit d’un grain de sable pour enrayer une machine... Ici, le grain de sable comme on pouvait s’y attendre est un coup de foudre ! Freder le fils du dirigeant de la ville tombe amoureux de Maria, une fille de la ville du bas et découvre une rude réalité qu’il ignorait totalement. Ce sentiment amoureux lui ouvre les portes sur la réalité et ne l’arrête pas à lui-même. Freder va jusqu’à se rendre solidaire d’un ouvrier épuisé à prendre sa place et à s’impliquer dans la lutte des travailleurs.
Ce film que l’on peut rattacher au mouvement expressionniste comporte de nombreuses scènes chocs comme celle de l’accident de la machine qui se transforme dans l’imagination horrifiée de Freder en un monstre, Moloch, qui avale dans sa gueule infernale des travailleurs par dizaines ; le mythe de Babel inséré dans la trame de l’histoire ; l’animation de l’androïde créée par le savant fou : visuellement superbe ! Un androïde qui devient le double maléfique de la lumineuse Maria ; Freder atteint d’une forte fièvre suite à un choc psychologique trop fort : les visions se précipitent dans son esprit tandis qu’il se sent tomber dans un gouffre noir sans rien pour le retenir. Fritz Lang arrive à faire passer tout ce que Freder ressent à ce moment là juste avec des images et des effets spéciaux ; les hommes qui regardent avec avidité la sensuelle danseuse, image de la femme qui chevauche la Bête de l’Apocalypse, les hommes véritables voyeurs ne sont plus que des yeux ; les statues de la cathédrale qui s’animent ; la machine détériorée par les ouvriers qui s’emballe ; l’inondation ; Maria attachée à un bûcher qui n’est pas sans rappeler Jeanne d’Arc ; et bien d’autres encore !
Dans ce film muet qui s’apparente à certains moments à un ballet, la musique tient une place essentielle. Elle donne le rythme aux mouvements des acteurs, elle donne le tempo de l’action. Les décors sont aussi partie essentielle de cette cité futuriste. Ils sont l’œuvre d’une imagination débordante, il sont à la fois grandioses, originaux et ont inspiré des films de science fiction récents tels Blade Runner et bien d’autres. Les milliers de figurants qui participent à ce film et les centaines d’acteurs contribuent à faire de ce film une œuvre imposante.
Le film étant présent sur Netflix et également sur Youtube : https://www.youtube.com/watch?v=5BBnMCAIuQg , il n’y a aucune excuse pour passer à côté de ce chef-d’œuvre cinématographique !