Alex de la Iglesia (Mort de rire, Le Jour de la bête (jamais entendu parler mais ça fait toujours bien de citer l'essentiel d'une filmographie entre parenthèses dans une critique)) nous livre une comédie désopilante en squattant les thèmes de trois sujets tabous : le couple au bord de la rupture, les voisins qu'on ne peut piffrer et l'argent comme valeur primordiale au bien-être. C'est sur cette base saine que repose cette petite perle espagnole, où chaque phrase débitée donne envie de passer le film en VF. Mes chers voisins laisse deviner très vite un côté kitsch avec son générique qui introduit le film, une sorte de bouillabaisse horrifique qui annonce de suite la couleur : le côté bordélique est voulu, assumé, revendiqué, et ça risque très fort de partir en sucette (petit placement de produit, je la suis sur facebook et instagram et elle a des atouts majeurs)...


Mes chers voisins est composé de deux parties, une première où notre chère épouse désœuvrée va tout faire pour cacher les millions à ses voisins, quitte à prendre des risques invraisemblables. On est alors sur du Molière (les gens qui disent "du" quand ils parlent d'un auteur, c'est d'une pédance inouïe, d'ailleurs pédance n'existe même pas mais il devrait être inventé pour l'occasion) avec évidemment L'Avare et sa mallette, mais aussi sur du Poe, avec l'immense nouvelle du Coeur révélateur, qui au passage est pour moi mille fois plus significative et grandiose que son chat noir. Mes chers voisins s'attache ensuite à singer toutes les élucubrations dramatiques habituelles, et lance une folle course-poursuite dans tous les recoins de ce grand immeuble de demeurés. Un petit côté Père noël est une ordure, tant dans l'aspect théâtral qu’oppressant vis à vis du huis-clos, qui tourne vite au fiasco, avec effusions d'hémoglobine et dialogues perchés en prime.


Si l'atmosphère globale impose le rire et la réalisation un rythme effréné, on déplore tout de même une façon très consensuelle de tirer la corde vers une situation rocambolesque, comme si le scénario n'allait jamais au bout de ses efforts. On se retrouve donc parfois avec des scènes qui nous laissent un arrière-goût de frustration, de vice mal exploité. Carmen Maura, madrilène donc absolument dans le thème et proche du réalisateur, ne manque pas de talent mais sonne le glas du second degré, avec une prestation qui, si elle dénote avec les situations qu'elle vit, est toujours en décalage avec le ton du film. Une idée de casting qui interroge, et pour aller dans le sens de ma réputation sur SensCritique, j'aurais aimé, quitte à voir ses jambes à peu près 137 fois en une heure trente, avoir une actrice un peu plus sulfureuse dans cet exercice. De là à dire que ça frôle le sexisme, il n'y a qu'un pas que je ne franchirai pas.


Pour conclure, Mes chers voisins est une comédie originale et fun, dotée d'un humour parfois inégal et d'un casting où les prestations n'écrasent aucune concurrence. Fair-play.

EvyNadler

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7

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