C'est un film aux multiples intrigues décousues qui ne se croisent (presque) pas. Au point qu'on se demande, au départ, si ce n'est pas un film prétexte, qui serait produit par l'Office du Tourisme de Nantes. Les multiples aventures nous promènent dans chacun des petits coins sympas de la cité des Ducs, version année 2000, de l’île de Versailles aux douves du château en passant par le com', il y a un côté retour vers le futur du guide du routard. L'occasion de voir ce qui n'existe plus, comme les plages du bord de Loire ou l'ancien palais de justice (reconverti aujourd'hui en hôtel de luxe), l'occasion aussi de voir ce qui existe toujours, comme le tramway et Vincent Lindon.
Le film fascine, aussi, parce que les enfants jouent mal, et que c'est toujours plaisant de voir des enfants mal jouer. J'en ai choppé un à murmurer les répliques de l'autre ... et quand les professionnels débarquent, genre quand Vincent Lindon s'engueule avec Catherine Frot, d'un coup on décolle. Presque pas d'intrigue, des acteurs hétéroclites, les scènes se suivent comme autant de fragments pas toujours brillants…. Petit côté Bruno Dumont, plaisant.
C'est un film bourré de punchlines à peine emphatiques, dans la veine de ces films cultes que ça se voit qu'ils sont cultes que quand on sait qu'il le sont. Les punchlines passent l'air de rien dans les dialogues, furtives bien que légions, et c'est dans un sentiment de connivence qu'on les remarque,
et qu'on les note même, ça peut toujours servir, comme dit le professeur au début : apprenez tout ce qui ne sert à rien, ça vous servira un jour.
À chaque punchline, c'est un petit rien de la vie qui prend une portée métaphysique. Ça nous parle du turf (d'une manière que ça donne presque envie d'aller tout claquer au PMU pour la beauté du geste), de l'apprentissage par l’imprudence et des aléas du destin, et de la justice que l'on mérite parfois mais qui est quand même toujours injuste. C'est un peu l'éloge de l'erreur, qui finit par gratifier l'audacieux, tant que cette erreur ne consiste pas à faire son beurre sur les faibles. Celui qui fait vraiment mal aux faibles sera puni.
On peut tout de même dire que l’intrigue principale tourne autour du personnage joué par Vincent Lindon, père addict aux jeux d'argent, qui passe l’après-midi avec sa fille pour la première fois depuis longtemps, et l’entraîne dans une surenchère de mauvaises décisions au nez et à la barbe, malgré tout, des juges et des créanciers, qu'il appelle les Grogneau(x?) :
Tu verras dans la vie, quand tout va bien, il y a toujours des Grogneau en embuscade et quand tout va mal, c'est là qu'ils sortent. Le Grogneau, c'est celui qui te pourrit l'existence, celui qui te raconte des enterrements aux mariages et des agonies à la naissance des enfants. Le Grogneau, c'est celui qui prédit la taule aux gosses quand ils fauchent des bonbons, celui qui te parle d'avenir pour te gâcher le présent et t'annonce la pluie quand tu pars en vacances. Le Grogneau c'est celui qui te flingue en plein vol et te tue avant d'entrer en scène. Le Grogneau, c'est celui qui t'oblige à remplir un formulaire quand tu parles d'amour. C'est ça le Grogneau.
Des empêcheurs de frauder en rond, en somme. Il y aurait donc deux fraudes, la bonne et la mauvaise, celle des amoureux, et celle des banquiers. Mais quid des banquiers amoureux ? Et des amoureux des banques ?