Si Memories of Murder est de l’ordre de la prouesse, c’est parce qu’il parvient non sans génie à réécrire les codes du polar par un jeu de décalage autant tonal que dramatique donnant naissance au plus complexe des labyrinthes, le labyrinthe de la banalité, d’un quotidien à visage normal qui n’éveille guère de suspicion. C’est un vaste concert discordant où plusieurs voix s’emmêlent sans jamais trouver une harmonie, comme une multitude de tuyaux qu’un même coude ne saurait joindre : le temps file à la manière de l’eau, la pluie efface les traces et inscrit le meurtre dans la nature. On entend gronder l’orage politique que le village, microcosme porteur du système sud-coréen, cristallise via ses cadavres et à travers les journaux. Memories of Murder opère donc un déplacement, se définit comme le hors-champ d’un temps de rupture avec la raison et de l’apparente mainmise de l’homme sur son environnement. Flamboyant.