Avec ce petit microcosme décérébré et en rut permanent, nous sommes chez les bonobos qui passent leurs journées à s'épouiller, se papouiller et se gougnouter. "Il faut s'amuser" est le leitmotiv que l'on retrouve dans la bouche des protagonistes tout le long du film. La belle affaire que cet hédonisme puéril et juvénile (puéril parce que juvénile ? ) à tout crin d'où est exclue toute dimension sociale ou politique.
Car le film nage dans ce néant où l"on cherche vainement un enracinement historique ou un raccord avec une quelconque sociologie des moeurs. Non, ça parle cul, point. Et de vulgaire façon. Ne cherchez pas la dentelle ou une quelconque délicatesse de sentiments dans cette trivialité qui s'exprime par des dragues lourdingues, des popotins qui frétillent, des seins qui s'exhibent, des conversations qui ont l'envergure et la profondeur des textos de pré-pubères dans les cours de récréations.
A une époque où la parole des femmes se libère, entendre de telles niaiseries donne plutôt envie de la bâillonner.
Ici, les filles n'existent que dans le regard des hommes qui les réifient en objet de pure consommation sexuelle , et les filles deviennent complices de cette chosification en consumant leurs corps dans des danses lascives et provocantes. "Importunez-moi", ainsi pourraient - elles souscrire au manifeste des 100. Kechiche est-il vraiment de son temps, à l'heure de #metoo, lorsqu'il se lance dans de tels exhibitionnismes et adopte une telle position réactionnaire ? Kechiche serait-il un obsédé sexuel?
Je n'en veux pour preuve que la scène de sexe inaugurale, qui frise le voyeurisme dans sa longueur et ses cadrages. De quel point de vue regarde Kechiche? De celui d'Amin qui surprend les ébats du couple à travers la fenêtre? Mais alors, il eut fallu adopter sa visée et ne filmer que ce qu'il peut voir ( certainement pas des corps à hauteur de lit). De celui de Kechiche, dont la caméra tourne autour des corps en adoptant des angles destinés au spectateur? Dans ce cas, l'option pornographique n'est pas loin. On pourrait multiplier les exemples, jeunes filles vues en contre-plongée, corps masculins exilés dans l'ombre, coupés à hauteur d'épaule pendant que l'on s'attarde sur les plastiques féminines. Tout cela débouche sur un vague écoeurement, trop plein de vide qui dégorge ses chairs qui en deviennent flasques à force d'accumulation et d'où est expulsée toute idée de plaisir, et encore moins de désir.
Mektoub canton uno ? En tout cas, pour moi ce sera sans secundo.

Cinefils
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le 2 avr. 2018

Modifiée

le 12 mars 2021

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