Tom et Mommy en pleins amours imaginaires, anyways la fin du monde

J'ai un rapport complexe avec Xavier Dolan. Avec lui, je m'attends vraiment au somnifère pop sans saveur ("Les Amours Imaginaires") comme au miracle capable de résumer la force de la Vie ("Mommy"), et entre eux deux des appréciations à différents degrés. Sa réalisation, en elle-même, a des niveaux qui me conquièrent et d'autres beaucoup moins. Je trouve que c'est un monstre en direction d'acteurs, il est capable de véritables prouesses dans sa relation image/musique, c'est un dialoguiste excellent (difficile de trouver, dans "Matthias et Maxime", ceux qui relèvent de l'écriture, de l'improvisation ou des deux, surtout au début). Mais à côté, je trouve qu'il est capable d'en faire des caisses sur le plan conflictuel, ses personnages se ressemblent entre eux dans sa filmographie, et ses scénarios peuvent manquer de péripéties pour relancer l'intérêt du public. Dans tous les cas, un fait incontestable, qui fait grave plaisir : c'est un auteur au style "parodiable", donc authentiquement personnel, et c'est de plus en plus rare chez les jeunes réalisateurs au cinéma.
"Matthias et Maxime", c'est un peu un condensé de tout ça, où chaque commentaire de ma part est poussé à fond. En terme de direction d'acteurs, le jeu est transparent: rien ne sonne faux, on sent que Dolan y a mis de ses observations comportementales. Il a toujours été génial sur ce domaine (et croyez-moi faut être balaise pour réussir ça dès ses débuts !), mais ici c'est le paroxysme. Anne Dorval est même méconnaissable. La relation image/musique, par contre, innove tout en progressant ; en effet, les morceaux pop sont largement moins valorisés que la musique classique, ce qui était moins le cas avant. Notamment la Symphonie 40 de Mozart, dans une utilisation à la fois diégétique et extra-diégétique, dans une situation où Matthias se révèle tendu et "démasqué", c'était grandiose. Les dialogues, eux aussi, brillent par leur transparence, ne sentant jamais l'écriture. C'est d'ailleurs grâce à ces trois qualités majeures que les prémices du film, donc les 20 premières minutes, délai auquel le film a droit pour convaincre son spectateur de l'intérêt de son histoire, sont du très grand Dolan. Ces 20 premières minutes me susurraient que j'allais enfin retrouver le Dolan de "Mommy", celui qui fout un coup de pied dans la fourmilière Adulte. Mais malheureusement, le film diminue ensuite sa tension, ne souhaitant pas rester dans cette optique. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a plus de bonnes séquences après, attention ! Mais aucune ne revient à ce niveau ensuite. Et ce pour 3 raisons : le conflit entre la mère et Maxime marche beaucoup moins bien que sur les précédents films de Dolan, le personnage de la maman étant pour le coup parfaitement détestable. Les personnages, si justement interprétés et écrits, rappellent d'autres personnages de Dolan, en particulier les protagonistes ce qui est ballot. Mais grosse sympathie pour le Frank, interprété par Samuel Gauthier : on a tous connu un pote aux cheveux longs, qui semble sortir de cartes RPG, passe son temps à être défoncé et possède une tchatche du tonnerre de Dieu. On représente pas assez ces mecs adorables, et dans ce film il l'est avec beaucoup de charisme. Quant aux péripéties, c'est ce qui fait que "Matthias et Maxime" finit par s'étirer : si le propos est très simple à cerner, c'est dommage qu'il n'y ait pas assez d’événements vraiment répercutants sur lesquels rebondir. Mais bon, je sais que le but principal était de brosser un portrait choral de la jeunesse, rester centré sur les personnages et surtout sur tous leur non-dits, alors je peux comprendre.
Ce qui provoque la question que tout cinéphile appréciant le travail de Dolan s'est déjà posée : arrivera-t-il à se renouveler ? Certes, les genres des films sont très différents, même les mises en scène peuvent n'avoir aucun rapport, mais le problème se situe davantage sur les sujets en eux-même, tellement typique du cinéaste que la surprise a disparu. L'homosexualité et en vivre avec la société, le rapport mère-fils évidemment, la jeunesse, le poids du regard des autres, les rancœurs et les regrets... Tout ça se relient entre eux, ça a produit de très beaux résultats, mais ce serait cool que Dolan, qui racontait l'adolescence alors qu'il traversait ses 20 ans (à partir de "J'ai tué ma mère" donc), nous raconte la Trentaine maintenant qu'il a 31 ans. C'est une évolution que j'attends, puisqu'elle viendra. "Matthias et Maxime", malgré ses défauts, reste charmant pour son empathie humaine débordante. Le style de Dolan, vivifiant et véritable, fait le reste. Un bon chewing-gum intellectuel de temps en temps, c'est toujours ça à prendre, quand c'est fait avec autant de passion.

Billy98
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le 6 mai 2020

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Billy98

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