Sancho Panzanderson au pays des Jeux vidéos

La matrice s’est arrêté quand le système a planté, et chacun sait qu’il ne faut jamais naïvement redémarrer un ordinateur quand il affiche system error.
M. Anderson (Keanu Reeves) est un concepteur de jeu-vidéo : Un homme populaire et respecté dans le milieu qui a créée la trilogie de jeu Matrix. Mais celui-ci pris d’un mal qu'il ne peut nommer n’arrive pas à démêler la fiction de son jeu vidéo de la réalité quotidienne. Confus entre ces deux mondes qui coexistent dans son imaginaire, il consulte régulièrement un psychiatre Niel Patrick Harris qui lui prescrit régulièrement des médicaments pour lutter contre ce trouble.


Il y aurait bien des choses à dire tant le film est dense, il proposerait même une bonne matière à réflexion s'il n'était pas un gloubi-boulga visuel de gros plans et d'effets spéciaux. Que doit-on faire de tous ces gros plans - voire très gros plan - qui ne montrent rien si ce n'est l'inexpressivité de Keanu Reeves ou encore à quel point Niel Patrick Harris est très méchant ? L'action est constamment saccadée par ces gros plans qui sont un cache-misère à l'absence de chorégraphie des combats. Les effets spéciaux ne suffisent pas à faire un bon film, la scène du train en est l'exemple. Monstre et Compagnie s'en sort beaucoup mieux lorsqu'il s'agit de filmer une action à travers des portes et le combat entre Jamel et Darmon d'Astérix et Obélix : Mission Cléopatre est plus intense que celui contre le nouveau Morpheus. Le parti pris esthétique est lui aussi contestable dans la mesure où ces flous autour de l'Analyste, ces semblants parodiques de stop-motion impressionnistes sont hideux.


Ce film ne propose rien si ce n'est prendre le spectateur pour un imbécile à qui il faut sans cesse rappeler la nostalgie du passé ou encore satisfaire son ego de quelques punchlines lourdes sur des thèmes sociétaux actuels. L'attitude finale de l'Analyste sur la masculinité/féminité était-elle nécessaire ? Idem pour l'insistance sur la binarité. N'aurait-il pas été appréciable que cela soit donné par l'univers lui-même ? Par exemple en liant la question de la binarité avec celle de l'informatique et du codage - et par extension du jeux-vidéo -, bref le "Modal" ne suffit pas ou aurait dû être exploité davantage.


Tout cela pour dire que Néo est devenu inutile et que tout ce périple autour de lui est vain. De même pour Trinity qui bénéficie d'un traitement plus favorable mais le jeu de l'actrice rend l'empathie pour son personnage inexistant. La quête pour la sauver prend alors une tournure vide d'intérêt car elle ne donne pas envie d'être sauvé. D'autant plus que le toujours plus fort, toujours plus loin de l'action devient petit à petit insupportable au fil du film. Le rythme est trop lent sur les deux-tiers du film car il faut recréer l'univers de Matrix avec tout ce qu'il a laissé derrière lui et tout ce que la nouvelle génération a emporté de lui. Le dernier tiers est bourrin au possible, ce qui faisait le sel de la matrice devient un pouvoir magique absurde devenu incompréhensible aux yeux des spectateurs et des partenaires de Néo. Ne mentionnons pas ces hordes d'humains matrixés - ou comment faire plaisir aux consommateurs de Battle Royal/jeux de Zombie en tout genre - c'était trop pour moi.


Le principe de ce qui doit être méta est précisément d'être méta, c'est-à-dire un non-dit implicite. Ici tout est explicité, même la satire d'une société, de l'industrie du cinéma (Peut-on penser la Warner suffisamment bête pour laisser un film la critiquer sans en tirer un bénéfice ? Au hasard celui d'un renouveau du cinéma Hollywoodien où on ne montre rien si ce n'est des gros plans sur un visage en fond vert parce que les constructions narratives, c'est trop compliqué, ça fait réfléchir les gens ?). Non, c'est bien le spectateur que l'on prend pour un imbécile et un inculte, car celui-ci n'a de cesse de découvrir l'eau chaude.


Justement, ce sont les thèmes abordés par le film qui montrent sa propre bêtise.
D'abord la médication à outrance et le recours à la thérapie pour se soigner d'un mal. Non, comme - j'ai pu souvent l'entendre -, ce n'est pas un thème nouveau ou peu développé dans le cinéma, Vol au dessus d'un nid de coucou de Forman, Joker de Todd Philipps, Mommy de Dolan, Roi et Reine de Desplechein ou même Shutter Island de Scorsese, Fight Club de Fincher sont ceux qui me viennent spontanément en tête.
Je n'oserai pas mentionner Deleuze ou Foucault (et pourquoi pas Ionesco ou Molière) mais méconnaître cette thématique, c'est repousser la chute de ces systèmes et pratiques que certains ont pris plaisir d'y voir - comme si c'était novateur - une telle critique dans ce dernier Matrix.


Ensuite, la confusion de la fiction et de la réalité et celle de la réécriture. Il y avait tellement mieux à faire en lien avec le Jeux-Vidéo, la virtualité des mondes informatiques. Avec ce Matrix, c'est du bout des doigts qu'on approche une nouvelle "dimension" du monde informatique, mais comme il faut sans cesse rappeler au spectateur le LORE, le film ne montre rien de ce point de vue. Le Modal - , Sequoia qui n'est pas sur la "bonne fréquence" au début du film, le transhumanisme latent auraient dû être exploités dans ce film - ou peut-être cela sera inclus en DLC en fin de générique en Bonus dans le prochain film avec des petits chats ? -. Une réécriture ou une réinterprétation doit se suffire d'elle-même, dès qu'elle ne fait que ressasser le passé, alors elle n'est pas nécessaire, le théâtre du 20ème siècle ne cesse de le rappeler.


A nouveau pour la fiction et réalité Brazil de Terry Gilliam, L'échelle de Jacob de Lyne, Birdman d'Iñárritu - même Fight Club à nouveau et pourtant je ne tiens pas ce film dans mon coeur - Et à nouveau je n'oserai mentionner l'homme qui a lu trop de romans de chevalerie et qui combat des moulins à vents aka Don Quichotte de Cervantès ou Le Horla de Maupassant ou enfin le Persona de Bergman, ce serait être trop pompeux.


En bref, quitte à voir des quilles jouer dans une fiction, autant jouer à Wii Sports au moins en tant que spectateur, j'aurais l'impression d'être actif et de réfléchir à comment je peux faire tomber les quilles.

Micuit
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le 15 févr. 2022

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