Il faut être honnête, cette suite n'avait pas réellement besoin d'être tournée. Rien de ce qui s'y dit n'est réellement indispensable à la trilogie originelle. Et à l'issue du film, à part quelques adolescents, personne ne s'en souviendra en disant "Je suis allé voir ce film à telle époque de ma vie". Il ne servira de mètre étalon à personne.
Ceci dit, le(s) message(s) central est valeureux et n'était qu'implicite dans la trilogie. C'est un addendum pertinent, même si le film ne l'est pas vraiment. Ce n'est pas du female empowerment ou du wokisme qui le traverse, les éléments qui font rager les extrêmes-droitistes américains sur YouTube et autres étaient déjà présent il y a vingt ans sous la forme de Switch, Niobe ou Morpheus. C'est plutôt nous qui avons tous collectivement changé, passant des années vaguement trash du début 90 aux années terrifiées post 2001. Là ou Kurt Cobain régnait sur les cœurs avec sa révolte grunge tranquille qui imprègne vaguement le cuir du premier Matrix, la paranoïa conspirationniste type antivax a pris le relais pour donner un corps plus tangible à la trouille collective que la fin du monde est arrivée. Du coup, les épisodes 2 (mon préféré) et 3 (ouch) ont raté la coche, et celui-ci vient à peine corriger le tir avec ses bons sentiments sur l'unité de l'homme et de sa femme pour vaincre la peur et le déni. Mais ce n'est pas si grave, après l'outro ringarde de Neo à la fin du premier Matrix, il fallait oser faire un film vaguement bisounours en fin 2021. Rien que pour ça, ce n'est pas si mal. Et la réflexion sur l'allégorie de la cave est quelque part updatée avec cet épisode qui remplit tout juste le cahier des charges.
Échec cinématographique, donc, assortit d'une sorte de réussite philosophique à corriger les non-dits et les faiblesses de ses prédécesseurs. Espérons - de tout cœur en ce qui me concerne - que si la série est une autre fois mise sur le défibrillateur un scénariste plus talentueux sera de la partie.