L'art de mettre les références au service d'une oeuvre.

Après l’échec financier de son deuxième enfant né au sein des studios Ghibli, Hiromasa Yonebayashi a finalement quitté le studio Ghibli en plein ralentissement de ses productions animée afin de fonder son propre studio et de poursuivre ses travaux. Ce studio a prit pour nom Ponoc, et comme pour son précédent film avec When Marnis Was There, c’est un roman britannique qu’il adapte sur grand écran avec The Little Broomstick de Mary Stewart.


Etant donné que le studio Ghibli est beaucoup résumé aux travaux de Miyazaki et Takahata, je ne pense pas qu’il y ait grand-chose d’étonnant à ce que Yonebayashi soit parti fonder un studio après la déception sur le territoire japonais de son deuxième long-métrage (alors qu’il a rapporté le double de son budget initial pour rappel sur le territoire). Surtout quand on voit que Ghibli a du mal à se remettre sur les rails et se fait très discret entre 2 films. Et pourtant on jurerait sans mal que ce Mary et la fleur de la sorcière fait parti du catalogue du studio de Totoro.


On sent clairement l’influence du studio Ghibli, mais au crédit du film cela n’entrave jamais l’identité du cinéaste ou de l’œuvre. Et pourtant elles sont assez (trop ?) nombreuses pour un connaisseur du studio de Totoro : la première rencontre Peter/Mary faisant penser à celle de Shizuku/Seiji dans Si tu tends l’oreille, l’académie Endor dans le ciel prête à imaginer Le château dans le Ciel et Le château ambulant, ou encore la présence de la magie et la difficulté qu’a Mary à manier son balais auquel beaucoup ont fait le rapprochement avec Kiki la petite sorcière. Et si par moment ça se ressent un peu trop, ça n’empiète pas sur le traitement de son héroïne Mary, mignonne à croquer et aux yeux de qui l’immersion dans cette académie de magie fonctionne beaucoup lors de la première découverte.


Et qualité déjà présente dans Souvenirs de Marnie et Arrietty et le monde des chapardeurs : Hiromasa Yonebayashi laisse son film respirer et trouver son rythme. Il confirme aussi un peu plus ses marques de fabriques avec le cadre en pleine campagne déjà présent dans ses deux productions Ghibli ainsi que l’héroïne complexée pour une raison ou une autre (Anna et sa situation de fille adoptée dans Souvenirs de Marnie) ou qui va se retrouver confronter à un monde qui n’est pas le sien (Arrietty face au monde des humains à travers le personnage de Sho, Anna lors de sa rencontre avec Marnie fille de famille bourgeoise), avec toujours une bonne habilité pour donner une caractérisation à ces personnages et nous identifier à eux.


En terme d’animation, les dessins respirent et dessinent chaque cadre petit à petit de sorte qu’on garde des traces du voyage de Mary et n’étouffent jamais le spectateur. On se souvient de l’Académie et de la première visite de la jeune sorcière (qui n’en est pas vraiment une), on se souvient des visuels qui éclatent et se forment ou se déforment comme cette matière gluante bleuâtre produite par la fleur de la sorcière et les expérimentations de la directrice de l’académie sur des animaux, tout comme on se laisse bercer par la musique de Takatsugu Muramatsu déjà compositeur sur Souvenirs de Marnie.


Malheureusement après une bonne première heure, Hiromasa Yonebayashi n’échappe pas à des travers qui faisaient déjà tâche dans ses deux premiers films, mais il tombe aussi dans des nouvelles (dont ce référencement qui font un peu d'ombre à ce premier film). L’académie Endor étant au final d’aucune utilité et ne servant que de décor lors des 2 premiers allers et venu de Mary. Même pour un récit dont le but central est la quête de soi de l’héroïne, cela reste un gâchis assez lourd de frustration quand on voit qu’on a prit plus d’une quart d’heure pour exposer tout ce joyeux monde. Ce qui fait déjà que ce film subit un contrecoup important car il lui manque ce petit détail, la scène particulière qui lui permet de se distinguer et de toucher profondément son spectateur.


Et niveau protagoniste, on retrouve la même embûche que dans le Arrietty avec les deux antagonistes (Mme Mumblechook la directrice et Docteur Dee… rien à voir avec le Détective Dee de Tsui Hark, ici il ressemble plus à un mini docteur Robotnik en apparence) finalement pas très mémorable, animés par une seule motivation une fois que celle-ci se fait davantage connaître malgré une tentative de supposer une rédemption lors des derniers instants du film. Alors qu’à côté, il y a encore une fois pas mal de soin apporté aux seconds rôles comme Peter et tante Charlotte, ou encore Flanagan le gardien de l’écurie de balais magique et Tib le chat du village qui accompagne Mary un peu partout.


Une œuvre très bon enfant aussi référencé qu’il se montre créatif visuellement, mais auquel il manque un déclic qui permet à Yonebayashi de faire toute la différence pour avancer vers une maturité dans son cinéma et enfin livrer des œuvres plus personnels et moins rattaché à ce qu’il a fait pendant sa période Ghibli. Ceci dit, ça n’est que son troisième film et le tout premier du nouveau studio. Et d’ici là il a encore tout le temps de mûrir à son prochain film.

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