Avant Balboa, il y a eu Barbella, Rocky de son prénom, d'origine italienne et qui grandit dans la délinquance, enchaînant les maisons de correction puis prisons avant de découvrir un moyen de canaliser sa haine et force, et les mettre au profil de la boxe.


Quelques années après l'immense Nous avons gagné ce soir, Robert Wise retrouve le monde de la boxe pour mettre en scène la vie de ce boxeur, de sa jeunesse jusqu'à sa rédemption. Il s'attarde peu sur ses très jeunes années, évoquant surtout un père violent et ivrogne et commence véritablement son récit à l'adolescence, mettant en scène un gamin nerveux, suivant ses pulsions et instincts et incapable de se fondre dans la société, comme cette dernière ne le comprendra jamais. À travers son parcours, Wise montre l'incapacité du système américain à comprendre et prendre en compte les maux humains et les siens, préférant conforter ses jeunes dans la violence, ce qu'ils retrouveront dans les diverses maisons de correction et prisons.


La force de l'oeuvre se trouve notamment dans la narration et la mise en scène nerveuse de Wise. Ce dernier ne tombe jamais dans l'excès mais trouve toujours le ton juste et le bon équilibre pour mettre en place la rédemption de son protagoniste. On s'intéresse puis s'attache facilement à lui, Wise nous immerge dans le récit et donne envie de croire en lui et de le soutenir, que ce soit sur le ring, contre le système ou dans sa vie privée, soit l'élément qui peut lui permettre de trouver son salut. Il tisse intelligemment les liens qu'il aura avec son entourage, que ce soit sa femme qui va vraiment lui apporter son bonheur, son manager, ses ennemis ou encore ses parents, conflit qui intéresse tout particulièrement le futur metteur en scène de West Side Story. C'est aussi un bijou d'écriture que Wise sublime à chaque seconde en mettant en place une ambiance de plus en plus forte, intense et prenante tandis qu'il joue sur une émotion toujours présente, formant des uppercuts qui marquent pour longtemps.


L'oeuvre ne serait pas la même sans un immense Paul Newman, remplaçant un James Dean tout juste décédé. Le jeune acteur, qui n'avait tourné qu'un seul film jusque-là, trouve un rôle à la mesure de son talent et de sa fougue d'alors, nerveux, traumatisé, maladroit, délinquant, champion ou encore amoureux, il passe, tout comme nous, par tous les sentiments, affublé de son accent italien. Simple derrière la caméra, Wise ne s'en montre pas moins brillant, sachant capter les maux et émotions des personnages, s'effaçant derrière eux pour mieux en faire ressortir la dimension dramatique et sociale. Efficace et d'une forte dimension émotionnelle, Marqué par la Haine n'oublie pas d'être un témoin de son époque, exploitant avec brio le contexte de l'oeuvre (que ce soit l'aspect social ou la reconstitution des rues de New York) rendu inoubliable par une magnifique photographie en noir et blanc.


Comme un uppercut en pleine poire, Marqué par la Haine vient confirmer l'immense talent de Paul Newman, Robert Wise et du Hollywood de ce temps-là, proposant une charge émotionnelle et une plongée immersive dans une époque pas si lointaine mais révolue et semblant si loin.


Immense.

Docteur_Jivago
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le 19 déc. 2017

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