Perchée là-haut, la route Mulholland Dr. se lamente, toujours et encore...

"Maps to the stars" est une claque progressive, un film qui utilise magistralement ces 1h50 pour finalement nous donner la nausée, une nausée véritable, une nausée insoutenable.
La cruauté de cette usine à rêves, la puanteur des coups bas, la malveillance de ces assoiffés de gloire et d'argent, on en connaissait déjà l'existence. Mais le pouvoir effroyable d'Hollywood sur l'équilibre mental de ces pantins perdus, son pouvoir de destruction psychologique, ce n'est qu'en regardant "Maps to the stars" qu'on en saisit l'ampleur.
Servi par une brochette d'acteurs exceptionnelle, ce film mêle à son aspect satirique deux drames familiaux où se côtoient inceste et folie.
Mais finalement, c'est peut-être ce qui rend perplexe à la fin de ces 1h50 sidérantes: finalement, qu'a donc voulu faire Cronenberg ? S'il traite à merveille les bassesses du cynisme, de l'hypocrisie et du pétage de plombs dans un premier temps, Cronenberg va un peu loin lorsqu'il met en scène quasi-simultanément la destinée tragique de chacun des personnages principaux du film. S'éloignant légèrement de la critique d'Hollywood, il aurait peut-être gagné à creuser encore plus profond dans les méandres de la folie qu'entraîne la quête de célébrité, dans ce monde où tout repère est réduit à néant, où la dignité n'existe plus. Si la dernière scène, très belle, surprend par sa douceur et son extrême mélancolie, les séquences qui la précèdent sont un peu poussives. Comme si Cronenberg n'avait pas osé aller jusqu'au bout de cette analyse grinçante des individus, optant pour un enchaînement de situations tragiques, donnant alors une certaine impression de "too much" inadéquate à la lente et dérangeante déchéance psychologique des protagonistes.
Mais finalement, le film fait mouche. Car s'en dégage une beauté étrange, derrière la monstruosité qu'il expose. Car la mise en scène est d'une grande intelligence. Car ce poème d'Eluard, déclamé régulièrement de manière quasi-prophétique, prend tout son sens au fur et à mesure que l'intrigue se déploie. Car la richesse du scénario est extrêmement bien exploitée. Car ces personnages, pourtant porte-paroles de tant d'autres, sont complètement uniques.
Finalement, cette fameuse route Mulholland Drive, principale inspiration du chef-d'oeuvre aussi pessimiste et bien plus magistral de David Lynch, surplombe toujours aujourd'hui le même Hollywood qu'il y a 13 ans, un Hollywood dont la face cachée se dévoile un peu plus tandis que le temps passe, et ce depuis bien avant la triste histoire de Diane Selwyn, vouée au même sort qu'Agatha, Havana, Benjie et les autres...
HugoLRD
7
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le 30 mai 2014

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HugoLRD

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