Occasion Mankée.

Avec ce film, qui relate l'écriture du scénario de Citizen Kane par Herman J. Mankiewicz, le frère de Joseph, David Fincher a voulu rendre hommage à son père, décédé en 2003, mais qui reste le scénariste.Il s'est donné des moyens considérables pour faire à la manière de, histoire de faire penser que Mank date réellement des années 1930 ; le son un peu étouffé et avec quelques parasites, la brûlure de cigarette pour imiter le changement de bobine... Mais au bout du compte, j'ai trouvé ça vain.

Je dirais même qu'en tant qu'amateur du cinéma de David Fincher, c'est ma première véritable déception. Tout d'abord, j'aimerais savoir si un spectateur lambda peut arriver à comprendre le film, car il est tout de même assez pointu dans les références cinéphiles, avec des noms à profusion, des titres cités à la volée ; personnellement, je n'ai pas eu de problèmes à tout suivre, mais il y aurait de quoi être largué. Surtout que Fincher père a fait le choix de ne pas proposer un montage linéaire, avec des sauts dans le temps, des flashbacks ... c'est un énorme fourre-tout qui ne prend pas le spectateur par la main. Et c'est surtout ça que je reproche au film ; sa grande froideur, y compris en montrant Herman J. Mankiewicz (avec un Gary Oldman qui en fait des tonnes) montré comme un personnage cynique, que rien ne semble atteindre, qui dit ce qu'il veut à qui il veut, y compris à Randolph Hearst (excellent Charles Dance), mais qui ne trouve de l'amitié qu'avec Marion Davies, où j'avoue qu'Amanda Seyfried m'a épaté par sa justesse. D'ailleurs, leur scène commune, sur fond de ballade nocturne, est sans doute la plus belle scène du film.
L'autre grand reproche est sans doute plus cinéphile, mais il ne parle que très peu de création cinématographique, car j'aurais aimé comprendre comment a été écrit Citizen Kane, où le rôle d'Orson Welles semble minimisé, au lieu de voir un mec écrire sur un lit avec beaucoup de difficultés. Tout juste sait-on l'origine du fameux mot Rosebud...

Par contre, techniquement, c'est irréprochable, avec une image noir et blanc magnifique (qui n'a pas volé son Oscar de la photo), et l'excellent musique signé Atticus & Ross qui singe là aussi les musiques des années 1930. Quant à l'émotion, il faudra attendre les dernières minutes, et la reconstitution de l'attribution de l'Oscar du meilleur scénario, ainsi que le discours de Mankiewicz lorsqu'il reçoit le trophée après coup. Mais il aura fallu attendre la fin pour déceler une flamme que je n'ai vu que trop rarement.