Écrit et réalisé par Kenneth Lonergan, plus connu dans le petit monde du théâtre new-yorkais que dans le monde du 7ème art, Manchester by the Sea est un drame déchirant. Suite au cuisant échec de son précédent film Margaret, dû à une mésentente avec la Fox concernant le montage, le réalisateur prouve ici son talent de dramaturge.


Lee Chandler vit dans un petit sous-sol aménagé en appartement dans la banlieue de Boston. À la mort de son frère Joe, il apprend que le défunt lui a confié la garde de son fils Patrick. L'adolescent habitant dans la petite ville côtière de Manchester, Lee revient vivre dans son ancienne ville, le forçant par la même occasion à renouer avec son passé...


Ayant tout d'abord évolué dans l'ombre de son grand frère Ben, Casey Affleck enchaîne depuis une dizaine d'année des premiers (Gone Baby Gone) ou seconds (L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford) rôles d'une grande qualité d'interprétation. Manchester by the Sea est pour le moment sa consécration, lui permettant de gagner l'Oscar du Meilleur acteur. Une récompense amplement méritée tant sa performance, qui évite les pièges de la caricature, est touchante. L'immense peine se traduit par de tristes et longs silences. Comme si chaque mot sonnait comme un terrible rappel du fait que lui était encore en vie. Comme si chaque mot l'obligeait à quitter ses fantômes et à refaire surface parmi les vivants. Vivre à défaut d'être mort.


Ce film est aussi l'histoire d'une retrouvaille. Celle d'un oncle et de son neveu, un lien de parenté rarement exploité dans le cinéma. Le personnage de Patrick, interprété par le jeune, mais expérimenté, Lucas Hedges, est travaillé de manière à contrebalancer celui de Lee. Le désir de vivre, malgré le décès de son père, fait avancer l'adolescent qui va tenter d'aider son oncle à réaliser son deuil.


Depuis tout petit, on ne cesse d'entendre des phrases telles que "L'erreur est humaine." ou "On apprend de ses erreurs". Quand un tel drame arrive par votre faute, volontairement ou non, comment rebondir ? Kenneth Lonergan n'apporte bien entendu aucune réponse, ni aucun jugement, mais il se permet de questionner son spectateur.


Naviguant entre les eaux troubles du passé et un présent inconsolable, l'écriture et la mise en scène de Manchester by the Sea sont à saluer pour leur qualité. Une réussite qui aura permis à un réalisateur de talent de se remettre en selle.

Vincent-Ruozzi
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le 2 nov. 2018

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Vincent Ruozzi

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