Je vais en faire hurler beaucoup, c'est certain.


Car j'aime bien, moi, ce Man of Steel. Malgré les critiques, qui pointent du doigt Zack Snyder et ce qu'il a fait du personnage, ses images christiques que beaucoup s'acharnent à voir, et encore plus à dénoncer, tout comme le sous-texte chrétien nauséabond qui en découlerait et le prosélytisme ardent de l'ultra droite. J'allais presque oublier le systématisme de la dénonciation de l' "americana", sommet d'une certaine bien-pensance, une pose faussement contre culturelle en forme de combat d'arrière garde.


Tant pis si je passe pour un abruti, un cerveau malléable et faible, un simple mouton de plus dans le troupeau à la solde de l'inculture cinématographique crasse.


Parce que quand je regarde Man of Steel, je prends mon pied de spectateur, tout simplement. Et je suis transporté. Car ce prologue sur une Krypton mourante me fascine, et aurait pu faire l'objet d'un film à lui tout seul, comme on a déjà consacré des comics entiers à ce monde. Un monde coincé entre sa fin inéluctable, une guerre intestine et les vestiges de sa grandeur passée. Il y a aussi cette imagerie qui en découle, tournée vers un certain aspect techno rétro qui moi, me parle, avec ces superbes armures de néo chevaliers, ambiance prolongée par l'apparition du dragon de Jor El, prétexte à une scène aérienne de toute beauté qui m'avait bien retourné lors de la projection en salle en 3D.


Cette civilisation kryptonienne, supposée plus avancée, tombe pourtant dans les travers de la mise en couple réglée et d'une certaine "aryennisation" de sa race, à l'image des objectifs d'un Général Zod présenté de la manière la plus efficace et intéressante, sans pour autant verser dans le simplisme. Michael Shannon y est pour beaucoup aussi, dans son jeu jusqu'au boutiste d'un personnage qui agit finalement, non dans son propre intérêt, mais pour celui supérieur de son peuple.


Man of Steel réussit aussi à peindre un portrait intéressant de son surhomme, tout d'abord, via quelques flashbacks au coeur d'une Amérique idéalisée : le bus scolaire jaune, les grands espaces, l'errance du routard, le sac sur le dos, ou encore les bars country / folks. Tout cela concourt à éclairer le film d'un feeling assez particulier, lui permettant de respirer dans ses enjeux et son propos assez sombres, cristallisés par une photographie sublime tirant en quelques occasions sur une certaine monochromie.


Ce portrait de l'homme derrière l'icône, la famille adoptive de Kal El en fait partie intégrante, et plus particulièrement Jonathan Kent, nourrissant son fils de son idéal, de ses valeurs, de ses croyances intimes. Dommage que le scénariste le fasse mourir de manière aussi vaine et embarrassante afin de créer un trauma bien inutile, seul défaut notable du film dans sa construction alors que les apparitions par delà la tombe de Jor El avaient défini un Superman bien plus tiraillé entre ses origines et sa terre d'adoption.


Car pour le reste, Man of Steel s'élève au dessus de la mêlée super héroïque, tant ses deux heures vingt minutes passent comme un souffle. Le propos sur la nature de la figure héroïque fait mouche, comme celui concernant sa perception par les simples mortels, leur peur de l'inconnu ou leur tendance à voir Dieu dans l'extraordinaire ou le surnaturel. Même si une ou deux allusions pas bien finaudes sur le Christ sont assénées et si une attitude (une !) entretient la confusion, on est quand même bien loin de la vision prosélyte sur laquelle certains acharnés de la castration laïque ont éructé avec rage. Comme sur cette image de l'Amérique, finalement pas très reluisante dans sa militarisation ou dans sa propension à éliminer ou à contrôler tout ce qui pourrait un jour menacer sa puissance. On est encore une fois assez loin des chimères de l'odieuse americana tant décriée.


Côté action, Snyder assure le spectacle avec générosité et maîtrise : abandonnant ses ralentis ostentatoires pour certains mauvais esprits, le réalisateur s'en donne à coeur joie en termes de caméra portée, de mise au point ou d'effets de lumière émulant une certaine forme de réalisme. Mais ce sont les confrontations et les mano à mano qui impressionnent encore plus. Car jamais, dans un films de super héros, le sentiment de puissance n'avait été traduit avec une telle force, une telle efficacité, une telle orgie de destruction. Ainsi, voir Zod et Kal El se tirer la bourre, se mettre sur la gueule ou passer à travers des immeubles entiers fait renouer le spectateur avec ce qu'il a pu lire, dans les comics, en matière de matchs acharnés au sommet entre le héros mis en scène et son ennemi le plus implacable.


Tout cela fait de ce Man of Steel, malgré quelques menus défauts, un sommet du film de super héros, enthousiasmant, impressionnant et d'une générosité réjouissante, au point de renouer, parfois, avec le gosse qui, quand il avait cinq ou six ans, faisait se fritter ses figurines préférées devant la télé, dans le salon familial.


Behind_the_Mask, qui a perdu son slip rouge, comme Henry Cavill.

Behind_the_Mask
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